Discours du Président Jean-Claude Juncker à la cérémonie d'ouverture de la conférence organisée par le Parlement européen sur "Le patrimoine culturel en Europe, un pont entre le passé et l'avenir''

Met dank overgenomen van J.C. (Jean-Claude) Juncker i, gepubliceerd op dinsdag 26 juni 2018.

Monsieur le Président, caro Antonio,

Sehr verehrte Frau Vorsitzende des Kulturausschusses,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Monsieur le Commissaire,

Mesdames et Messieurs les parlementaires européens,

Chers invités d'honneur,

Je suis ravi d'être avec vous aujourd'hui, je voudrais remercier Antonio d'avoir eu la gentillesse de m'inviter à cette Conférence importante.

On prête à Jean Monnet cette phrase selon laquelle s'il devait recommencer la construction et l'aventure européenne il les commencerait par la culture. A vrai dire, il n'a jamais dit cette phrase. Il aurait pu la dire, tant cette phrase lui ressemble. Et cette phrase met à nu un vice de construction européenne.

La nécessité est grande d´insister, de ré-insister chaque jour sur ces valeurs européennes qui constituent notre patrimoine culturel européen et qui portent pour nom humanité, dignité de la personne humaine, solidarité entre nous.

Cette solidarité entre nous qui fait partie du pacte fondateur de l'Union européenne. Cette solidarité qui se construit et qui s'invente chaque jour à nouveau. Cette solidarité qui s'est très souvent et trop souvent fissurée ces dernières années - et au moment où je vous parle, les fissures continuent, les fragilités augmentent, au moment-même où nous devons formuler une réponse cohérente européenne à la crise migratoire. Souvent je me dis que ces ruptures de solidarité, qui très souvent laissent des blessures qui durent, sont dues au fait que nous nous connaissons assez mal les uns les autres.

Lorsque j'étais enfant, a long time ago, je suivais à l'école au Luxembourg des cours dits de Heimatkunde, donc des cours portant sur la connaissance du pays, de son histoire, de ses spécificités. L'année européenne du patrimoine culturel c'est en quelque sorte notre cours de Heimatkunde à l'échelle européenne.

C'est l'occasion de mieux connaître notre Union dans toute sa diversité, celle de pays et de peuples qui sont profondément attachés à leurs terroirs, à leurs paysages, à leurs traditions mais qui ont fait le choix de s'unir et de coopérer sachant que chacun d'eux aurait infiniment plus à perdre qu'à gagner en s'isolant des autres. Et c'est parce que l'Europe est faite de toutes ces diversités qu'elle est plus riche que d'autres ensembles.

C'est aussi l'occasion de méditer, en particulier pour les jeunes, sur cette performance unique accomplie par l'Union européenne: imposer la paix sur un continent longtemps martyrisé et déchiré par guerres et conflits. Cela fut possible grâce au génie des générations qui nous ont précédés et qui ont fait, au milieu des années '40, de cette prière éternelle d'après-guerre "plus jamais la guerre" une philosophie, un programme continental qui jusqu'à ce jour ne cesse de produire des effets bénéfiques.

L'intégration européenne c'est plus qu'un grand marché, c'est plus que le marché intérieur, c'est plus que les relations commerciales entre nous et avec les autres, c'est bien plus que la monnaie unique. Je me refuse à faire partie du long cortège de ceux qui pensent que l'Europe, c'est l'argent, c'est le commerce - ce n'est pas cela. L'Europe, l'intégration européenne, c'est d'abord le rassemblement quotidien de la diversité des forces et des talents de l'ensemble des Européens, c'est ces jeunes musiciens du European Youth Orchestra que nous venons d'entendre, c'est tous ceux qui grâce au programme Erasmus+ ont la possibilité de découvrir un autre pays.

C'est en fait un grand succès de l'Europe que ce programme Erasmus ! Des millions de jeunes Européens ont participé à ce programme. Résultat immédiat: naissance d'un million de bébés, nés dans des couples qui sont devenus couples grâce aux effets de rapprochement du programme Erasmus. Mais c'est aussi, me semble-t-il, la meilleure réponse qui soit à la bêtise et à la stupidité des égoïsmes nationaux, du repli sur soi, du rejet de l'autre.

Plus les jeunes Européens voyageront, plus ils découvriront les autres, leurs traditions, leurs réflexes, leur passé, leur histoire, leur espoirs, et plus la construction européenne, qui a existentiellement besoin de l'appui des jeunes, sera forte.

C'est la raison pour laquelle la Commission a décidé de doubler les montants budgétaires affectés au programme Erasmus+ dans le cadre du prochain budget pluriannuel en portant les volumes financiers dédiés au programme Erasmus de 14,7 à 30 milliards d'euros. Ce n'est pas de l'argent perdu, c'est un investissement dans l'avenir de l'Europe.

Car un budget ni en Europe ni à l'échelle de nos Etats nationaux n'est pas un exercice comptable neutre. Tout budget et surtout le nôtre est la traduction en chiffres de nos grandes ambitions. Et nous avons de grandes ambitions pour les jeunes qui sont l'avenir de l'Europe.

Mais nous avons aussi de grandes ambitions pour la culture comme expression et création de notre identité européenne dans toute sa diversité mais aussi, on l'oublie souvent, comme levier de création d'emplois et de croissance économique. N'oublions pas que l'industrie culturelle - expression que je déteste - fait travailler 7,8 millions d'hommes et de femmes en Europe.

C'est pourquoi dans le prochain budget européen - dans les sept budgets annuels à venir - nous proposons d'augmenter, si j'ose dire, la force de frappe du programme "Europe créative" dédié à la culture européenne en développant des synergies avec d'autres programmes comme par exemple le programme "Horizon Europe" qui soutiendra des activités de recherche et d'innovation dans le domaine des médias et de la culture. Ou comme le Fonds "InvestEU" qui permettra, c'est important, de mobiliser des investissements privés en faveur des petites et moyennes entreprises des secteurs de la culture et de la création, ou comme le programme pour une Europe numérique qui participera, elle aussi, à la transformation numérique du secteur du patrimoine culturel. Parce que culture et numérique doivent aller ensemble mais pas n'importe comment. Il faut de l'harmonie.

Tous les créateurs, que leur travail soit diffusé hors ligne ou en ligne, doivent être rémunérés équitablement. C'est pourquoi nous avons proposé une modernisation des règles européennes du droit d'auteur. Nous voulons établir une intersection vertueuse entre égalité des droits pour tous les créateurs, préservation de la liberté d'expression sous toutes ses formes et développement des plateformes européennes en ligne. J'espère, cher Président Antonio, que les co-législateurs parviendront rapidement à un accord sur notre proposition, qui est intelligente et sage.

Mes chers amis,

Je suis convaincu qu'au moment où l'Europe une fois de plus écrit son avenir, nous devons - rappelez-vous la phrase attribuée à Jean Monnet - commencer par la culture. La culture européenne qui contribue au rayonnement de l'Europe à travers le monde, culture européenne qui se distingue par le fait que la moitié du patrimoine culturel mondial est située en Europe. En promouvant et en respectant la culture, nous nous respectons nous-mêmes.

SPEECH/18/4292