Intervention devant la Commission Affaires économiques et monétaires

Met dank overgenomen van Europese Commissie (EC) i, gepubliceerd op maandag 22 september 2014.

Commission européenne

[Seul le texte prononcé fait foi]

Michel BARNIER i

Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services

Intervention devant la Commission Affaires économiques et monétaires

Parlement européen - Dialogue structuré ECON

Bruxelles, le 22 septembre 2014

Mesdames et Messieurs les Députés,

Je me souviens de ma première audition devant cette commission, le 13 janvier 2010. Ce jour-là, j'avais fixé un objectif : celui qu'aucun marché, aucun acteur, aucun produit et aucun territoire n'échappe à une régulation intelligente et à une surveillance efficace.

Cette nouvelle audition s’inscrit dans le cadre du dialogue continu que nous entretenons depuis 2010. L’audition d’aujourd’hui est en quelque sorte l’aboutissement de ce dialogue, puisqu’elle doit nous permettre de dresser le bilan de ces quatre ans et demi passés à tirer les leçons de la crise financière et à remettre la finance au service de l'économie réelle, c'est-à-dire de la croissance et de la création d'emplois.

Quatre ans et demi plus tard, nous avons considérablement progressé vers cet objectif. La régulation du secteur financier est aujourd'hui plus large, plus solide et plus efficace qu'elle ne l'a jamais été. Je veux remercier le Parlement européen, et en particulier celles et ceux d'entre vous qui ont porté ces réformes pendant la précédente législature pour votre soutien, sans lequel ce résultat n'aurait pas été possible.

Je ne peux naturellement pas citer chacun d'entre vous, mais je veux remercier la Présidence, les coordinateurs et tous les rapporteurs et shadow rapporteurs. Je n'oublie pas non plus les assistants et les fonctionnaires du Parlement européen sous l'autorité d'Adolfo Barbera del Rosal.

Mais au-delà des remerciements, et alors que s'ouvre cette nouvelle législature, c'est d'abord un appel à la mobilisation que je veux lancer aujourd'hui. En tant que membres de la commission ECON, il me semble que chacune et chacun d'entre vous a une triple responsabilité pour les cinq ans à venir.

I - La première de ces défis, c'est de veiller avec la Commission à la bonne application des textes que vous avez votés.

En 2015, la Commission européenne doit adopter plus de 175 mesures de niveau 2 [sans compter les 120 habilitations sans délai fixe préparées par les autorités européennes de supervision]. Ces textes ne sont pas des sous-mesures ; ce sont des modalités pratiques essentielles pour l'application des réformes qui ont marqué la précédente législature.

La confiance qui est ainsi témoignée à la Commission par les co-législateurs n'exclut pas la vigilance, et je suis heureux que le Parlement soit engagé dans une démarche attentive d'examen des actes délégués et des mesures d'exécution.

Je suis convaincu que la Commission continuera à tout faire pour faciliter cette mission du Parlement, en conduisant le processus d'adoption des mesures de niveau 2 en toute transparence et en associant les experts du Parlement en amont de toute adoption.

Cet objectif d'impliquer pleinement le Parlement passe par des bonnes pratiques. Tous les documents de travail de la Commission ont été envoyés au Parlement. Un représentant du secrétariat de votre commission a pu assister à toutes les réunions techniques avec les Etats-membres. Lors de la première session mensuelle d'examen des actes délégués et des mesures d'exécution, au mois de juillet, les services de la DG du marché intérieur sont venus rendre compte devant votre commission de l'avancée de leurs travaux. Et mes services restent entièrement à votre disposition.

Dans ce cadre, je compte sur votre soutien pour compléter le "single rulebook" dans les délais prévus. Les mois de septembre et octobre seront décisifs, avec l'adoption prévue par la Commission d'actes délégués sur trois initiatives phares de la précédente législature :

  • 1. 
    CRD IV, avec l'adoption prévue début octobre des règles détaillées sur le ratio de liquidité à court terme (LCR). Nous proposerons notamment certains aménagements aux règles de Bâle pour mieux tenir compte des spécificités européennes et faciliter le financement de l'économie réelle. Par exemple, nous identifierons dans l'acte délégué la titrisation de haute qualité, en proposant un traitement favorable des créances hypothécaires et des crédits aux PME et à la consommation, en pleine cohérence avec la politique d'achat de ce type d'actifs titrisés par la BCE.
  • 2. 
    Sur Solvabilité 2, nous présenterons aussi début octobre un acte délégué qui tiendra compte des demandes du Parlement, en prévoyant notamment une adaptation des règles aux petites entreprises telles que certaines mutuelles, ainsi que des mesures en faveur de l'investissement de long terme. Je pense là aussi à la prise en compte de la titrisation de haute qualité avec la même définition que pour le ratio LCR.
  • 3. 
    Enfin, la Commission adoptera prochainement les actes sur le calcul des contributions des banques aux fonds de résolution. Nous veillerons notamment à trouver le juste équilibre entre l'obligation pour toutes les banques de contribuer aux fonds et la nécessité de limiter la charge administrative pour les plus petits établissements. Cela sera réalisé à travers un système de contributions forfaitaires pour les petits établissements. Il y aura 6 catégories de petites banques qui paieront des sommes forfaitaires correspondant à leur taille respective.

Notre proposition a aussi pour objectif d'éviter qu'un même établissement paie deux fois la contribution aux fonds de résolution: une fois au fonds du pays de la société mère, et une deuxième fois au fonds de résolution du pays de la filiale.

Enfin, s'agissant du degré d'ajustement des contributions en fonction du risque, je sais que certains d'entre vous considèrent l'éventail du risque entre 0,8 et 1,5 comme très limité. A l'inverse, certains Etats membres ont demandé qu'il soit encore plus étroit.

Je pense qu'un compromis sur les points que je viens d'évoquer est à portée de main. Lors de la finalisation des textes juridiques dans les prochaines semaines je veillerai à trouver un équilibre entre vos observations et les commentaires que nous avons reçu de la part des experts des Etats membres.

Je compte sur votre soutien pour que l'acte délégué soit publié et devienne applicable au mois de janvier 2015, lorsque la directive Résolution entrera en vigueur. Nous ferons tout, comme je l'avais dit, pour présenter les deux actes au même moment. Il est cependant possible, pour des raisons juridiques, que l'acte d'exécution ne puisse pas être formellement adopté avant l'entrée en vigueur du règlement SRM début novembre. Sur le fond, nous continuerons cependant à traiter ces deux actes en cohérence.

II - Au-delà de l'application des textes, un deuxième défi est de mener à bien plusieurs réformes essentielles que nous avons engagées.

  • 1. 
    Je pense d'abord à la régulation des indices de référence, dont les cas inadmissibles de manipulation ont eu des répercussions très concrètes sur les taux payés par des millions d'emprunteurs en Europe.
  • 2. 
    Autre chantier prioritaire pour votre commission : la réforme structurelle des banques, qui doit nous permettre d'éviter les cas de banques "trop grandes pour faire faillite", pour lesquelles un sauvetage serait trop coûteux et la résolution en cas de défaillance trop complexe. Cette réforme est pour moi la clef de voute du travail engagé depuis 2010 sur la régulation des banques.
  • 3. 
    Il y a aussi urgence à réguler le système bancaire parallèle ( shadow banking ) : quelles leçons aurons-nous tirées de la crise si nous laissons prospérer à coté de certains acteurs mieux régulés et plus solides des activités à risques ? Nous risquons simplement de déplacer les risques en dehors de l'écran radar des superviseurs.

Pour autant, il faut aborder le sujet du shadow banking en tenant compte des sources alternatives de financement qu'il fournit à l'économie réelle. C’est un équilibre délicat, que nous avons, je crois, trouvé avec notre proposition sur les fonds monétaires, dont nous voulons préserver le rôle important pour le financement à court terme des établissements financiers, des entreprises et des administrations publiques, en améliorant leur stabilité et leur profil de liquidité.

  • 4. 
    Je veux aussi mentionner une réforme importante pour le financement de l'économie et la croissance : les fonds européens d'investissement de long terme, qui ont l’ambition de devenir le fonds d’investissement de référence en Europe pour les actifs peu liquides, tels que les participations dans des entreprises non cotées (principalement PME), les projets d’infrastructure ou alors les projets immobiliers. Avec ce type de fonds il sera plus facile de lever des capitaux à travers toute l’Europe et d’investir dans des projets qui soutiennent l’économie européenne.
  • 5. 
    Enfin, il est important de mener à bien le paquet paiement, qui doit notamment nous permettre de renforcer la sécurité des paiements en ligne et de faciliter l'accès au marché pour les nouveaux entrants tout en réduisant le coût des paiements en éliminant une barrière importante entre les marchés nationaux grâce au plafonnement des commissions d'interchange.

III - Enfin, il reste un troisième défi, celui d'être toujours en veille, prêts à adapter le cadre existant.

La révision de la directive sur les services de paiement est un bon exemple, puisqu'elle vise précisément à tenir compte du changement d'habitudes des européens, qui sont chaque jour plus nombreux à utiliser internet ou leur téléphone mobile pour leurs achats, et qui comprennent de moins en moins que des barrières puissent persister dans le marché unique [le coût de la fragmentation du marché européen des paiements est estimé à 130 milliards d'euros par an].

Cette faculté d'adaptation est nécessaire, bien au-delà du domaine des paiements. Dans la phase de mise en œuvre qui s'ouvre, il n'est pas exclu que nous découvrions les lacunes de tel ou tel texte. Nous devons nous y préparer, et être capables de revoir à la hausse le niveau d'ambition de certains accords politiques.

Par exemple, l'expérience nous dira si les mesures que nous avons prises pour accroître l’accès au marché dans certains secteurs, comme celui de l'audit - où la période de rotation de 6 ans proposée par la Commission a été étendue à 10 ans par les co-législateurs - ont produit leurs effets, ou si elles doivent être complétées. La même question se posera sans doute pour la directive AIFM.

Dans le secteur des agences de notation, également, nous devrons évaluer l'impact des nouveaux pouvoirs confiés à ESMA.

Enfin, nous devrons vérifier que des textes d'effets équivalents aux nôtres ont été adoptés par nos partenaires, par exemple sur la régulation des fonds à effets de levier ( hedge funds ), qui est un sujet important dans le contexte actuel d'abondance de liquidités.

Là où des lacunes apparaîtront, nous devons être prêts à ajuster nos textes. C'est d'ailleurs pour parer à cette éventualité que nous avons prévu de nombreuses périodes transitoires et clauses de revues. Il ne faudra pas hésiter à les faire jouer en cas de besoin.

Il y aura aussi bien sûr de nouveaux chantiers, sous la responsabilité de la nouvelle Commission. Cependant, certains me paraissent d'ores et déjà prioritaires comme la prévention et la gestion des crises pour les institutions financières non-bancaires.

A titre personnel, je pense aussi qu'il serait utile d'ouvrir une réflexion de fond sur l'opportunité de confier à une autorité européenne commune le pouvoir de sanctionner, notamment à travers des amendes, toute mise en cause des règles et des lois qui garantissent la stabilité financière.

De la même façon, je considère que nous devons collectivement nous interroger sur le positionnement de l'Union en matière de normes comptables. Des avancées ont été réalisées depuis 5 ans mais je ne crois que nous soyons encore parvenus à un équilibre satisfaisant notamment au plan international dans l'élaboration de ces normes.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Nous avons réalisé une réforme solide et sans précédent de la réglementation financière et nous avons montré l'exemple sur la scène mondiale. C'est une question de crédibilité et d'efficacité. Voilà pourquoi, dans nos relations avec les pays tiers, nous sommes disposés à coopérer pourvu qu'ils adoptent des normes d'une qualité semblable.

Pour ce faire, quatre éléments sont nécessaires. Nous devons, en premier lieu, être sérieux dans la mise en œuvre de la réforme. Deuxièmement, nous devons consolider la coopération globale dans le cadre du G20 et du Conseil de stabilité financière. Troisièmement nous devons être unis et fermes dans nos discussions bilatérales, en utilisant tous les moyens à notre disposition, y compris l'octroi ou le refus de décisions d'équivalence. Enfin, nous devons saisir l'opportunité offerte par le TTIP de bâtir un cadre de coopération règlementaire plus responsable et transparent. Les dialogues informels en place actuellement ont montré leurs limites.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Application des textes, concrétisation des réformes engagées, poursuite de l'adaptation du cadre existant : voilà trois défis essentiels sur lesquels votre commission est appelée à jouer un rôle clé, aux côtés de la Commission et du Conseil, dans les prochaines années. Je vous remercie pour votre attention.