Speech: L’union bancaire, clé pour finir de stabiliser le secteur financier européen et renforcer son intégration

Met dank overgenomen van J.B. (Julian) King i, gepubliceerd op maandag 28 april 2014.

Commission européenne

[Seul le texte prononcé fait foi]

Michel BARNIER i

Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services

L’union bancaire, clé pour finir de stabiliser le secteur financier européen et renforcer son intégration

Conférence conjointe BCE - Commission européenne

Francfort, 28 avril 2014

Cher Benoît Coeuré,

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais tout d'abord remercier la Banque centrale européenne, et son Vice-président, Vítor Constâncio, pour l'organisation de cette conférence conjointe.

Je me souviens de ma venue à Francfort, pour la précédente édition de cette conférence, il y a deux ans presque jour pour jour.

La situation était alors nettement moins favorable qu’aujourd’hui : la crise financière se faisait toujours sentir, certains prédisaient encore l’éclatement de la zone euro et le marché unique des services financiers était en voie de fragmentation :

  • La forte augmentation des spreads se traduisait par des écarts de coûts de financement au sein de l’Union pour les entreprises et les particuliers.
  • Et les banques réduisaient leur exposition aux dettes des autres Etats membres en recentrant leur activité, notamment de prêts, sur leur marché national.

Deux ans plus tard, le contexte macroéconomique s’est amélioré. Les mesures courageuses que nous avons prises au niveau national et européen pour réguler le secteur financier, assainir nos finances publiques et réformer notre gouvernance portent leurs fruits :

  • Un redressement impressionnant a été mené dans des pays comme l’Irlande et l’Espagne, ce qui a ramené la confiance des investisseurs. En Espagne, le niveau du spread est passé de plus de 600 points de base en juillet 2012 à moins de 160 la semaine dernière.
  • La Grèce est revenue sur les marchés le 10 avril dernier.
  • L’Italie a renoué avec la croissance après deux années de récession et l’année 2014 devrait marquer le retour de l’Europe à une croissance positive.

Il s'agit-là des développements économiques positifs. Mais nous devons rester vigilants. Nous ne pouvons pas nous permettre un retour au " business as usual ". Les efforts nationaux et européens doivent continuer, notamment en ce qui est des conséquences sociales et politiques de la crise.

Mesdames et Messieurs,

I - Cette amélioration macroéconomique s’est-elle accompagnée d’un retour de l’intégration du secteur financier européen ?

Je ne vais pas revenir en détail sur la présentation faite ce matin par Jonathan Faull de notre rapport sur la stabilité et l’intégration financière européenne.

Ce rapport montre que des segments du marché ont connu en 2013 une certaine stabilisation et un retour à davantage d’intégration.

C’est le cas des banques, dont le bilan s’est nettement amélioré l’année dernière et qui se sont à nouveau engagées dans une dynamique de concentration et d’interconnexion. D’une manière générale, les institutions financières européennes ont recommencé en 2013 à acheter des instruments de dette souveraine des autres Etats membres.

Cela dit, ce rapport montre clairement que les Européens et les entreprises continuent à se voir appliquer des conditions de crédit et des taux d’intérêt très différents en fonction de leur pays de résidence, et que ces différences ne sont pas toujours justifiées par les fondamentaux économiques.

Si tant de PME européennes ont toujours du mal à trouver les financements dont elles ont besoin, et si les politiques publiques ne parviennent pas à faire diminuer le nombre de chômeurs - ils sont 26 millions dans l’UE ! - c’est aussi parce que les préférences nationales des institutions financières se traduisent en Europe par une allocation du capital qui n’est pas optimale.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une situation où seules 33% des PME grecques et 50% des PME espagnoles et italiennes obtiennent la totalité de leur demande de crédit, contre 87% en Allemagne.

Nous règlerons d’autant plus vite ces problèmes que nous créerons rapidement les conditions du retour à une véritable intégration financière en Europe. Et cette nouvelle intégration financière passe par des règles communes strictes, efficaces et bien appliquées.

C’est l’objet des 28 textes de régulation que j’ai proposés depuis quatre ans avec mes équipes et qui entrent peu à peu tous en vigueur, comme nous l'avons encore vu il y a deux semaines avec le vote final par le Parlement européen des Directives sur les marchés d’instruments financiers (MiFID), les systèmes de garantie des dépôts (DGS) et le redressement et la résolution des banques (BRRD), mais aussi sur nos initiatives en faveur d’une meilleure protection des investisseurs dans les produits de détail (PRIPS) et dans les OPCVM et sur l’accès à un compte bancaire de base. Permettez-moi de remercier Sharon BOWLES en tant que présidente de la commission ECON et tous ses collègues pour la très bonne coopération lors de ces dernières quatre années.

Nous devons maintenant veiller à la bonne application de chacun de ces textes pour qu’ils contribuent véritablement à accroître la transparence, la responsabilité et à remettre le secteur financier au service de l’économie réelle, dans l’ensemble du marché unique. Dans ce contexte, les trois autorités européennes de supervision (EBA, EIOPA et ESMA) auront un rôle particulier à jouer. Je salue Andrea ENRIA, président d'EBA, qui est parmi nous aujourd'hui.

C’est ainsi que nous mettrons en œuvre dans le marché unique un véritable « single rulebook », qui représente un socle indispensable pour renforcer l’intégration du secteur financier de l’UE.

Mesdames et Messieurs,

II - Sur la base de ce socle commun, en quoi l’union bancaire peut-elle nous aider à progresser sur la voie de l’intégration du secteur financier européen ?

L’union bancaire est sans doute notre plus grand projet commun depuis l'euro lui-même et un atout de premier ordre pour remédier à la fragmentation des marchés financiers.

Elle nous permettra de mieux détecter les risques, grâce à une supervision unique de qualité des banques de la zone euro élargie. Je salue à cet égard l’opération de vérité que représente la revue de qualité des actifs conduite par les équipes de Danièle Nouy, et qui permettra au Conseil de supervision de la BCE d’assumer en connaissance de cause son rôle à partir du 1 er novembre 2014.

Ce mécanisme de supervision unique devrait doublement contribuer à renforcer l’intégration financière.

  • D’une part, il permettra d’inscrire l’action des superviseurs nationaux dans une perspective plus large, et d’éviter à l’avenir certains réflexes de repli, comme le fait de demander aux banques de cantonner leurs actifs dans les frontières nationales.
  • D’autre part, en accroissant la transparence et en permettant de mieux comparer les actifs bancaires, la supervision unique renforcera la confiance dans les établissements des autres Etats membres, et devrait permettre davantage d’investissements ou de fusions et acquisitions transfrontalières.

A côté de la supervision unique, l’union bancaire doit aussi nous permettre d’affronter ensemble les risques qui pourraient se matérialiser.

Le mécanisme de résolution unique adopté le 15 avril dernier par le Parlement européen a lui aussi un rôle de premier plan à jouer pour l’intégration financière.

Il mettra fin à une situation où les banques vivent européennes et meurent nationales, grâce à des procédures communes pour faire face aux cas de faillites européennes sans découper les banques en fonction des frontières nationales. Cela aidera d’ailleurs les banques en bonne santé à organiser leurs activités à l’échelle européenne.

Le Mécanisme de résolution unique permettra aussi le financement de la résolution par les actionnaires et créanciers des banques, épaulés par un Fond de résolution unique, dont le financement par les banques montera en puissance progressivement, et dont la force de frappe financière sera augmentée par la possibilité de financements ultérieurs par le marché ou par des instances publiques. Ce dispositif, qui préserve les contribuables, devrait aussi permettre d’éviter que les faillites de banques ne puissent être traitées qu’au niveau national.

Par ailleurs, la diminution du soutien implicite des contribuables aux banques devrait s’accompagner d’un rapprochement des coûts de financement des banques en Europe.

Enfin, la présence dans tous les Etats membres de Fonds de garantie des dépôts jusqu’à 100 000 euros, préfinancés selon les mêmes standards, signifie que les Européens peuvent avoir confiance dans les banques d’autres Etats membres pour déposer leurs économies.

Mesdames et Messieurs,

Sur le socle que constitue le « single rulebook » pour le marché unique à 28, l’union bancaire doit nous permettre de finir de stabiliser notre secteur financier et de renforcer son intégration, au service du financement de l’économie réelle.

Cela dit, pour s’assurer de la reprise rapide du financement des projets des entreprises et des particuliers, nous devons utiliser tous les leviers à notre disposition, sans nous limiter aux instruments traditionnels du secteur financier européen.

Les banques ont un rôle essentiel à jouer dans la reprise. Mais cela ne nous interdit pas d’encourager le développement d’autres acteurs, marchés ou techniques, pour combler les difficultés structurelles de financement de certaines entreprises, comme les start-up ou les entreprises sociales, ou plus généralement pour encourager l’investissement à long terme.

C’est ce que nous avons fait en créant les fonds européen de capital-risque et d’entrepreneuriat social, qui sont opérationnels depuis juillet 2013, et en proposant la création du fonds européen d’investissement à long terme.

Avec la feuille de route sur le financement de long terme, que nous avons publiée le 27 mars dernier, nous voulons aller plus loin, en ne négligeant aucune piste, qu’elle concerne le rôle croissant à donner aux investisseurs institutionnels et aux marchés financiers, le cadre amélioré pour la titrisation de bonne qualité ou encore la recherche de nouvelles formules de financement, comme le crowdfunding .

C’est en mobilisant tous ces instruments, en plus de la modernisation du secteur bancaire, que nous pourrons accélérer le retour de la stabilité et de l’intégration des services financiers en Europe et insuffler un nouveau dynamisme à l’économie européenne. Ceci nous devrait permettre de retrouver rapidement le chemin de croissance dont Europe a besoin.

Merci pour votre attention.