Forum de Chaillot: "De toekomst van cultuur, de toekomst van Europa' (fr)
Madame la Ministre, Mesdames, messieurs,
La culture est l’une des plus grandes richesses de l'Europe, mais aussi la richesse qu'elle défend le moins bien.
(Importance du secteur culturel et créatif)
Vous le savez, les compétences de l'Union européenne en matière culturelle sont limitées.
Mais cela ne veut pas dire que l'Union dans ses actions est indifférente à la culture. Voici quelques exemples :
Les services audiovisuels et la stratégie numérique,Le droit de la concurrence et les aides d'état,Les programmes financiers et les fonds structurels,Le multilinguisme, le droit d'auteur, les tentatives de lutte contre la contrefaçon, et j’en passe,
Tous ces domaines comportent des choix de politique culturelle, à condition qu'on s'y intéresse.
Sans même aborder sa valeur immatérielle, qui est évidente pour nous tous, la culture et les industries créatives nourrissent la croissance économique et peuvent créer des emplois.
Les secteurs créatifs et culturels, c'est:
Quatre et demi pourcent du PIB de l’Union,Plus de 8 millions d’emplois, essentiellement dans de très petites entreprises,Un excédent commercial externe d'un virgule neuf milliards d'euros par an.
Mais c'est aussi un secteur qui fait face à un double défi.
(Un secteur menacé)
D'abord la crise économique, qui a frappé la culture de plein fouet.
Les coupes budgétaires ont été particulièrement dures.
Il y a quelques jours j'ai été interpellé par des artistes sur le risque d'une augmentation du prix unique des livres en Grèce sous la pression de la Troïka.
Non seulement cela menace le secteur de l'édition, mais en plus cela remet en cause l'objectif d'une démocratisation de l'accès à la littérature.
En tant que citoyen, mais aussi en tant qu'ancien libraire, je suis très préoccupé par ces développements.
Le patrimoine est menacé de ruine ; théâtres, musées, cinémas, orchestres et librairies mettent la clef sous la porte.
Derrière toutes ces fermetures, il y a des êtres humains privés de leurs emplois.
Chaque cas individuel est une tragédie. Et ensemble, ces tragédies constituent un poison pour le tissu social nos sociétés tout entières.
Vingt-six millions de personnes au chômage dans l’Union européenne, dont cinq virgule quatre millions de jeunes, c’est un scandale !
Avoir un travail, c'est une question de dignité. Je me souviens très bien du premier jour de mon apprentissage, le premier février 1975. J'étais si fier d'avoir eu ce stage; de savoir qu'un jour je deviendrai libraire.
Et quelques années plus tard j'ouvrais ma propre librairie. Jamais je n'ai eu ce même sentiment d'enthousiasme et d'accomplissement que ce jour-là.
C’est pourquoi, au niveau européen, nous devons faire de la lutte contre le chômage, et en particulier le chômage des jeunes, notre première priorité.
Mais ce n’est pas tout : le secteur culturel et créatif est confronté aux défis de la révolution numérique :
Les œuvres ne sont plus produites ni distribuées de la même manière, les modèles commerciaux évoluent ;Le droit d’auteur et la juste compensation de la création sont remis en question ;La façon d’accéder à la culture change, et le public attend à un accès toujours plus large.
Face à ces défis, l’inertie n’est pas possible.
Certes l’environnement numérique crée de nouvelles tensions - il faut donc trouver un nouvel équilibre.
Un équilibre qui soit juste, qui soit accepté autant par les citoyens que par les auteurs, les artistes et les créateurs.
(Ébauche d'une réponse européenne)
Pendant mon mandat en tant que President du Parlement européen :
Nous avons validé une hausse de 9% pour le programme Europe Créative pour les sept prochaines années, [si nécessaire, saluer la Commissaire Vassiliou]
Nous avons créé un cadre juridique pour la conservation et la diffusion du patrimoine culturel européen dit "orphelin",
Nous avons encadré et rendu plus transparentes les sociétés de gestion collective de droits d’auteur, [si nécessaire, saluer le Commissaire Barnier]
Nous soutenons la production cinématographique européenne avec notre Prix LUX qui connait un succès grandissant,
Et nous œuvrons à améliorer le système des capitales européennes de la culture - et la candidature Marseille-Provencea démontré sa valeur-ajoutée l’an passé.
Mais il n'est certainement pas l'heure de nous reposer quand:
Nos medias s'eteignent, victimes d'une réappropriation de leur contenus et de leur revenus publicitaires sur internet,
Quand la question de la fiscalité numérique n’est pas encore suffisamment examinée au niveau européen, [et je pense ici à l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale aggressive par certain acteurs dominants ; et nous verrons ce que proposera prochainement le groupe de haut niveau institué par la Commission],
Et quand l'accès au financement bancaire des entreprises culturelles reste un parcours du combattant.
Ce qu'il nous faut, c'est un véritable entrepreneuriat culturel qui renforce notre richesse culturelle européenne.
Il faut soutenir les PME dans leur accès au crédit, à investir dans l’économie numérique.
C’est dans cet esprit que l’Union s’est dotée d’un mécanisme de garantie pour permettre à l'ensemble des secteurs culturels et créatifs de se développer.
Ce mécanisme est un premier pas novateur, mais qui arrivera bien tard et qu’il faudra évaluer avec rigueur.
Comme vous le voyez, les chantiers en cours seront nombreux.
Et il faut les mener à bien, car avoir une position forte à l’intérieur de l’UE, c’est une condition pour pouvoir projeter nos valeurs au-delà de nos frontières.
(Defendre l'exception culturelle au niveau international)
Je prends comme exemple les négociations en vue d'un accord en matière de commerce et d'investissement entre l'Union européenne et les États-Unis.
Le Parlement européen, le 23 mai dernier, avait demandé à exclure du mandat de négociation les « services de contenus culturels et audiovisuels, y compris en ligne ».
L’exception culturelle, ça n’est ni un réflexe protectionniste, ni un sentiment anti-américain.
Nous ne voulons tout simplement pas prendre le risque de mettre en péril la diversité culturelle et linguistique de l'Union.
La culture est un bien public - et le Parlement européen la défendra!
Comme vous le savez, notre appel n’a été que partiellement entendu par le Conseil et la Commission et une extrême vigilance reste de mise.
Je ne pense pas me tromper en disant que ce sera l’un des éléments-clés, en cas d’aboutissement des negociations, que les deputés européens auront a évaluer avant d’avaliser ou de rejeter l’accord.
(Culture et democratie)
Mesdames, messieurs,
Nous sommes à la veille du renouvellement du Parlement européen.
Pour la première fois, les citoyens européens pourront non seulement élire leurs députés européens mais aussi déterminer qui sera le nouveau President de la Commission européenne.
Mais, comme l'a si justement dit mon ami le cinéaste Wim Wenders, l'Europe, dans l'esprit de nos citoyens, n'équivaut plus à une grande idée mais a une construction bureaucratique.
C'est là un péril grave qui menace le projet tout entier.
Jamais un citoyen ne va se lever le dimanche 25 mai pour aller voter pour une institution, pour un concept abstrait et lointain !
Il ou elle se lèvera, je l'espère, pour élire l’un ou l’autre candidat, pour faire sienne l’une ou l’autre vision de notre avenir.
À ceux d’entre vous qui sont déçus par l'Europe je veux dire ceci: je partage votre déception. Je comprends votre colère.
Mais la réponse n'est pas "non" à l'Europe. La seule réponse possible est de se battre pour une meilleure Europe, basée sur la confiance mutuelle et le respect.
J’observe avec tristesse que l’idée européenne est trop souvent laissée de côté, oubliée, pour mieux vanter une victoire nationale.
Ou au contraire trop souvent mise en avant comme bouc émissaire quand il s’agit d’annoncer des mauvaises nouvelles.
Ça n’est qu’en voyant des citoyens ukrainiens brandissant leurs drapeaux européens que nous nous rendons compte à quel point notre idée européenne reste fascinante.
Mesdames, messieurs,
Ensemble portons haut cette idée européenne et donnons-lui l’âme culturelle qu’elle mérite !
Je vous remercie de votre attention.