Speech - Financement de long terme de l’économie européenne

Met dank overgenomen van Europese Commissie (EC) i, gepubliceerd op donderdag 27 maart 2014.

Commission européenne

[Seul le texte prononcé fait foi]

Michel BARNIER

Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services

Financement de long terme de l’économie européenne

Conférence de presse

Bruxelles, le 27 mars 2014

Je suis heureux de vous retrouver ici. La semaine dernière à cette place, j'ai commenté l'accord parvenu en trilogue sur le mécanisme de résolution unique, deuxième pilier de l'union bancaire.

Aujourd'hui, je vous remercie de votre attention pour cette communication et les deux textes qui l'accompagnent sur la gestion des fonds de pension d'un côté et le soutien que nous voulons apporter au crowdfunding de l'autre. Il s'agit d'un paquet, d'un plan d'action complémentaire de l'union bancaire et de l'agenda de régulation que j'ai conduit avec beaucoup de ténacité depuis 4 ans.

Ce qu'attendent les citoyens, ce qu'ils demandent tous les jours par leur manifestation ou leur vote ici ou là, c'est de l'emploi, c'est du travail, de la croissance.

La première condition de la croissance depuis cette crise de 2008, consistait à rétablir la stabilité, à reconstruire des bases saines et solides pour le secteur financier mais cela ne suffit pas.

Le fait déclencheur pour la croissance et l'emploi, c'est le financement, c'est que ceux qui portent des projets, les PMEs -il y en a 22 millions en Europe-, les citoyens, les consommateurs, trouvent les financements pour leurs projets.

Et nous y sommes. C'est pour cela que je vous ai souvent présenté mes deux tableaux : un sur la régulation et un sur le marché intérieur, en vous disant que je voulais passer d'un agenda de régulation préventive, réparatrice par rapport à la crise, réparer les dégâts de la crise et tirer les leçons, parfois même un agenda répressif avec les textes sur les abus de marché, tout cela nous l'avons presque terminé maintenant avec cette pièce principale de l'union bancaire la semaine dernière notamment.

Ce qui m'intéresse tout autant, voire même encore plus, c'est un autre agenda, un agenda pro-actif pour la croissance, d'autres formes de régulation pour aider ce qui créent la croissance c'est à dire les entreprises et les consommateurs. C'est pourquoi depuis 4 ans, en même temps que je conduisais l'agenda de régulation financière, j'ai avec mes collègues, engagé avec ténacité le Single Market Act avec des propositions très concrètes comme le brevet, la simplification des marchés publics ou le commerce électronique.

Aujourd'hui, ce que je vous propose d'examiner avec ce plan d'actions, c'est la charnière: les projets des entreprises et des consommateurs ont besoin de financement.

Sur la base d'un livre vert présenté il y a un an et qui a rencontré beaucoup de succès, 4000 pages de commentaires et de réponses, des centaines de contributions, nous avons travaillé à ce plan d'actions que je voudrais maintenant vous présenter et en le présentant, je voudrais rappeler quelques chiffres sur ce que représente le financement de long-terme.

Les besoins d'investissement dans les transports l'énergie, la transition écologique, les infrastructures de télécommunications sont évaluées dans les 6 ans à 1000 milliards d'euros dans l'Union européenne.

Autre constatation sérieuse, les difficultés pour les PMEs de se financer, ce qui reflète une fracture à l'intérieur du marché: 33% des entreprises grecques et 50% des espagnoles et italiennes ont obtenu la totalité de sa demande de crédit en 2013, mais 87% en Allemagne.

Dans un marché unique, ce n'est pas normal qu'il y ait de telles différences de taux, de réponse et de délai qui ne mettent pas les entreprises sur des bases de concurrence équitable.

La moyenne de la dépense publique en investissement était de 2.3% PIB en 2013 dans l'UE, elle a baissé par rapport à la moyenne des 10 dernières années, c'est le résultat de la crise.

La formation brute de capital dans son ensemble est également à la baisse.

Quand je regarde ceux qui financent l'économie de long terme, je vois de vraies capacités, notamment les compagnies d'assurance, qui sont les plus grands investisseurs institutionnels dans l'UE, ce sont 84 000 milliards d'euros d'actifs gérés.

Les Fonds de pension, eux, représentent 37 000 milliards d'euro d'actifs gérés mais quand je regarde ce qu'ils font, au-delà de leur métier traditionnel qui est de garantir et d'apporter des retraites à leurs adhérents, uniquement 1% de ce chiffre est investi dans les infrastructures non-cotées.

Dernier chiffre pour montrer le problème: celui des marchés de capitaux quand on regarde le nombre de compagnies dans le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne décidant de réaliser une première offre publique de souscription (IPO), a diminué en raison de la crise et est passé d'une moyenne de 350 par année avant la crise à autour de 70 par année depuis la crise.

Voilà les chiffres, voilà les opportunités, voilà les acteurs que nous voulons traiter avec mes collègues Olli Rehn et Antonio Tajani.

Concrètement ce plan d'actions va se décliner en plusieurs chantiers et la Commission va continuer de promouvoir des projets et des initiatives.

Le premier chantier dépend directement de moi, il est lié à la mise en œuvre des systèmes prudentiels et réglementaires pour les banques et les assurances, le bon calibrage de ce contrôle prudentiel à travers Solvency II ou CRDIV pour les banques.

Nous sommes dans la période des actes délégués, en juin pour CRDIV un peu plus tard pour Solvency II, le souci est que dans ces actes délégués, chaque charge en capital soit moins lourde pour les banques et les compagnies d'assurance lorsqu'elles financent des investissements de long terme.

Deuxième chantier : l'épargne privée, très abondante en Europe, que nous voudrions collecter à l'intérieur du marché unique et diriger vers les besoins des PMEs et de l'innovation, c'est l'idée d'un livret d'épargne européen.

Je sais qu'il existe dans certains pays en Allemagne, en France, en Italie et dans d'autres pays de tels livrets parfois nationaux parfois régionaux. Est-ce que nous pourrions utilement ajouter un produit d'épargne garanti peut être avec des incitations fiscales qui pourrait mobiliser l'épargne disponible et l'orienter vers les besoins des entreprises?

La Commission européenne va présenter à la fin de cette année, un rapport sur la faisabilité d'un tel livret bleu ou livret d'épargne européen.

3ème chantier : les banques publiques d'investissement, il y la nôtre, la BEI et il y a dans chaque pays des banques nationales d'investissement.

Nous allons avec mon collègue Olli Rehn travailler pour mieux coordonner les engagements de la BEI avec les banques nationales d'investissements et mieux faire travailler ensemble les banques nationales notamment pour financer les grands projets d'infrastructure, j'ai dit plus tôt quels étaient les besoins.

En dehors des systèmes bancaires et des assurances, les marchés de capitaux sont et doivent redevenir une source de financement de long terme et permettre de diversifier les financements des entreprises. Nous voulons travailler à un marché de capitaux européen plus intégré, mieux capable d'apporter une plus grande contribution au financement de l'économie de long terme.

Par exemple, dans le règlement MIFID; il y a une demande d'encouragement de la reconnaissance des places financières spécifiques dédiées aux PMEs (SMEs growth markets), nous allons favoriser les places financières qui font une offre particulière aux PMEs.

De la même manière, dans la directive Prospectus, nous voulons faciliter la cotation des PMEs.

Je pense aussi qu'on doit améliorer le cadre réglementaire relatif à certains outils ou produits et c'est là que se situe une proposition-clé, dont je sais qu'elle peut susciter un débat, concernant la titrisation.

La titrisation a été citée à plusieurs reprises récemment, entre autres par la BCE, comme un instrument clé pour débloquer le financement des PMEs. Il y a de mauvaises titrisations, on a beaucoup d'exemples en mémoire ("subprimes"), mais il y a aussi de bonnes titrisations. L’action que la Commission envisage de mener en liaison avec EIOPA et la BCE dans ce contexte est de favoriser l’émergence d’une distinction entre 'bonne' et 'mauvaise' titrisation, de celle qui comporte trop de risques, qualifier les actifs sous-jacents, encourager la transparence et la standardisation de produits. Prendre des précautions, faire un encadrement le plus clair possible. Je pense honnêtement qu'une bonne titrisation serait de nature à relancer le financement dont les entreprises ont besoin et notamment les PMEs.

En ce qui concerne les PMEs, je conclue sur le dernier chantier qui concerne l'information sur le crédit possible pour les PMEs pour que les PMEs aient toute leur place compte tenu de ce qu'elles représentent dans l'économie.

Dernier point qu'Olli Rehn a pris en charge dans le cadre de ce plan d'actions : les infrastructures, facteur-clé de croissance, d'unité et de cohérence du marché unique. Nous voulons d'une part favoriser une meilleure visibilité pour les investisseurs des projets d’infrastructure, qu'il s'agisse d'investisseurs institutionnels, privés, européens ou étrangers. J'ai été en Chine récemment et j'ai été frappé par une question que le président du principal fonds d'investissement chinois m'a posée sur la qualité et la crédibilité des investissements auquel ce fonds d'investissement chinois pourrait s'intéresser; et il y a l'utilité d'un portail unique, d’une base d’informations sur la rentabilité des projets d’infrastructure, qui permettrait de mieux calibrer la charge prudentielle pour les investisseurs institutionnels. Là encore Olli Rehn va travailler avec ses collaborateurs sur ce portail unique.

Voilà le carde général et les 6 chantiers sur lesquels nous allons avancer.

Concrètement, je termine télégraphiquement évoquant les deux textes complémentaires qui font partie de ce plan d´actions. Le crowfunding représente peut-être des sommes relativement modestes aujourd´hui : un milliard d'euros en 2013 ont été collecté à travers ce financement participatif; cela représente néanmoins plusieurs dizaines de milliers de petits projets. Mais derrière le crowdfunding, derrière la flexibilité et la souplesse qu´il représente, derrière le caractère direct du lien entre celui qui participe et celui qui présente un projet, il y a une culture entrepreneuriale différente, une participation de ceux qui présentent un projet et qui associent leurs donateurs ou contributeurs et aussi un intérêt plus grand de ceux qui contribuent. Qu’il s´agisse d´ailleurs du crowdfunding lié à des plateformes de don ou bien alors à des plateformes qui comportent un retour financier pour celui qui contribue.

Nous voulons encourager le crowdfunding, nous voulons faire la pédagogie de ce qu´il représente, nous voulons utiliser naturellement tous les outils disponibles pour apporter des garanties à ceux qui lancent des plateformes et à ceux qui participent au financement à travers le crowdfunding.

J´ai regardé s’il y avait besoin de nouvelles lois européennes à ce sujet, vous m'avez entendu dire quelquefois qu'à Bruxelles il faut faire moins de "red tape", moins de réglementation et plus de politique. S’il n´y a pas clairement une valeur-ajoutée à une loi européenne, ne comptez pas sur moi pour la faire. Dans ce domaine, je pense qu´on a largement les outils pour assurer une supervision correcte : des plateformes qui s'agisse de MIFID, de la directive prospectus, de la directive sur e-commerce, directive sur les abus du marché. Enfin, tout ce qui concerne l´appel à l´épargne est doté de cadres européens qu´il faut faire fonctionner correctement. S'agissant de supervision, nous avons les outils, je pense néanmoins que nous devons développer des bonnes pratiques.

J´ai été très frappé de la conférence qu´on a organisée sur ce sujet avec grand succès à Strasbourg avec 2.000 acteurs de l´entreprenariat social en Europe avec M. Tajani et M. Andor, pendant deux jours. Beaucoup d'entre eux ont lancé des entreprises sociales, entreprises "profitables", en utilisant le financement participatif. On veut encourager ces pratiques et aboutir peut-être à un code de conduite développant un label de qualité en vue de renforcer la confiance des différents partenaires. Dans ce cadre, on veut mettre en place un forum de stakeholders du crowdfunding pour les écouter et agir dans le sens qu´ils souhaiteront. En tous cas nous voulons développer cette forme complémentaire de financement de l'économie, notamment des PMEs.

Dernier point et j´en termine, la directive sur les institutions de retraite professionnelle de 2003, IORP : l´objectif est que les adhérents de tous ces fonds professionnels, qui fonctionnent bien (ils n´ont pas été à l´origine de la crise), soient garantis, aient la transparence suffisante, qu'ils reçoivent leurs retraites (ils sont plusieurs millions en Europe). L´objectif, en bref, est d´améliorer leur solidité, leur bonne gestion, leur bonne gouvernance, leur transparence, ainsi que l´activité transfrontalière: trop peu de ces fonds de pensions travaillent au-delà des frontières nationales, à l'intérieur du marché unique. Et donc nous pouvons donner une impulsion pour utiliser plus clairement le potentiel du marché unique. Transparence de l'information aux adhérents, aux clients des fonds de pension, avec un document simple d'information, qui sera cohérent au niveau européen, amélioration de la gouvernance des fonds de pension, voilà les changements que nous voulons apporter, 11 ans après la directive de 2003.

Ce texte ne concerne pas la solvabilité des fonds de pension, les mesures prudentielles financières font l´objet de travaux qui continuent et qui demandent du temps parce qu´ils sont très complexes. Cela sera la prochaine Commission qui devra évaluer l'opportunité d'agir sur ce sujet à partir des travaux d'EIOPA qui continuent.