Speech - Dialogue structuré à la Commission Affaires économiques et monétaires du Parlement européen: propos introductifs

Met dank overgenomen van Europese Commissie (EC) i, gepubliceerd op dinsdag 18 maart 2014.

Commission européenne

[Seul le texte prononcé fait foi]

Michel BARNIER

Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services

Dialogue structuré à la Commission Affaires économiques et monétaires du Parlement européen: propos introductifs

Dialogue structuré ECON, Parlement européen

Bruxelles, le 18 mars 2014

Mesdames et Messieurs les députés européens,

Je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui pour faire le point sur les défis à relever par votre commission d'ici au renouvellement du Parlement.

Au début du mandat, nous nous sommes fixés ensemble des objectifs ambitieux pour tirer toutes les leçons de la crise financière. Je veux ici remercier tous celles et ceux parmi vous qui, par leur travail intense, ont rendu possible l’adoption de textes aussi nombreux que novateurs.

En quatre ans de travaux, la régulation du secteur financier est plus large, plus solide et plus efficace qu'elle ne l'a jamais été. Notre but qu'aucun marché financier, aucun acteur financier, aucun produit financier n'échappe à une régulation et une supervision efficaces est presque atteint.

Presque, car nous ne sommes pas au bout du chemin. Dans deux mois, les citoyens nous jugeront sur la crédibilité de la réponse que nous aurons apportée à leurs préoccupations. Nous avons fait face à une crise multiforme, aux conséquences directes dans les vies quotidiennes de nos concitoyens, bousculant à la fois notre économie dans sa structure et les secteurs d'activité qui en sont le moteur. D’autres crises peuvent venir, mais nous serons mieux outillés pour y faire face - que ce soit autorités publiques ou entreprises privées. Notre vigilance est nécessaire et liée tant à l’inventivité des marchés financiers qu’à la conjoncture que nous traversons, qui se caractérise par une liquidité et des dettes abondantes et des risques globaux pour la croissance.

Aujourd'hui, je voudrais vous parler franchement des chantiers relevant de votre commission qui doivent impérativement être conclus dans les semaines qui viennent. Ils sont au nombre de trois: (i) le mécanisme unique de résolution, (ii) l'accès à un compte bancaire de base et (iii) l’information aux particuliers concernant les produits d’investissement dits « packagés ».

Nous devons ensemble voir aboutir ces initiatives, qui sont fondamentales pour rétablir la confiance des citoyens dans le secteur financier et dans l'économie.

Je voudrais aussi vous indiquer quels dossiers doivent à mes yeux être poussés au maximum afin de reprendre le travail législatif dans les meilleures conditions après le renouvellement du Parlement, et aborder enfin la mise en œuvre des mesures de niveau 2 d'une de nos réalisations majeures, la CRD IV.

I - Une priorité absolue : l’union bancaire

Trouver un accord sur le SRM est notre priorité absolue. L'union bancaire ne pourra pas fonctionner correctement en l'absence d'un mécanisme unique de résolution bancaire qui fasse pendant à la supervision européenne.

[Si la résolution demeurait nationale alors que la supervision est européenne, la résolution des défaillances bancaires continuerait d’incomber aux autorités nationales, perpétuant le lien entre les banques et les Etats.]

Nous disposons de suffisamment d'éléments pour parvenir à un accord équilibré entre les co-législateurs lors du trilogue de demain. Je voudrais passer en revue rapidement les principaux points qui seront débattus.

Sur le rôle des institutions européennes, je partage l'avis du Parlement qui considère la solution actuelle trop complexe et le rôle du Conseil trop important compte tenu du poids de la plénière dans la gouvernance du Board.

Le rôle du Conseil devrait être limité à un droit de veto, sur proposition de la Commission, dans deux cas:

  • Lorsque le Conseil considère que le dispositif de résolution proposé par le Board n'est pas dans l'intérêt public, et
  • Lorsque la Commission suggère d’utiliser un montant plus important du Fonds que celui proposé par le Board.

S'agissant de la gouvernance du Board, il faut que le dispositif assure une prise de décision rapide et efficace et un traitement identique de tous les cas de résolution. C'est pourquoi le rôle de la plénière doit être limité en rehaussant les seuils qui activent sa compétence.

S'agissant du financement du mécanisme, il est essentiel que nous mettions en place un Fonds de résolution unique crédible, ayant accès dès le premier jour à des ressources suffisantes. Je soutiens donc la proposition de la Présidence de rapprocher la rédaction de l’article 69 du Règlement du texte du Parlement. Il s'agirait d'inscrire dans le règlement une obligation pour le Board de doter le Fonds des financements nécessaires.

Mesdames et Messieurs, vous connaissez ma position, et vous savez que je crois au sens de la responsabilité des co-législateurs.

Venons-en maintenant aux autres dossiers en suspens.

II - Finaliser le volet "consommateur" de notre action

Deux dossiers du volet "consommateur" de notre action sont encore au stade des trilogues. Il s'agit de KIDIP, et de la proposition de directive pour donner accès à tous les Européens à un compte de paiement de base.

S'agissant de KIDIP, même si un accord a été trouvé sur des points clés, tels que les investissements liés aux produits d'assurance, le format du document d'information ou les pouvoirs d'intervention de l'EIOPA, je suis convaincu que les questions en suspens peuvent être réglées lors du dernier trilogue, prévu après-demain.

Un accord politique n'est possible que si toutes les parties se montrent ouvertes: cela vaut tant pour le Conseil concernant les produits liés aux retraites que pour le Parlement s'agissant du label de 'complexité'.

Nous sommes également proches d'un accord sur la directive sur le compte de paiement de base. Je veux croire que le trilogue d'après-demain sera conclusif.

Je souhaite toutefois souligner que la condition mise par certains à l'ouverture d'un compte bancaire aux termes de laquelle le consommateur devrait prouver qu'il existe un lien entre lui et l'Etat Membre où il fait sa demande est en contradiction avec les principes fondamentaux de libre circulation.

Tout consommateur qui souhaite donc ouvrir un compte de base dans le seul but de profiter de ces libertés et avantages doit être autorisé à le faire. En revanche, si l'ouverture de ce compte était abusive, la banque aurait le droit de refuser. Je remercie le Parlement de soutenir l'approche de la Commission en la matière.

Par ailleurs, le Conseil a ajouté une clause permettant aux Etats Membres ayant déjà établi des mesures nationales non législatives de se considérer en conformité avec les exigences de la directive.

La Commission, tout comme le Parlement, considère qu'une telle clause est juridiquement difficile à accepter: un Etat Membre ne peut en effet transposer une directive par une mesure nationale légalement non contraignante.

Le Parlement a indiqué qu'il pourrait être plus flexible concernant certaines mesures en matière de transparence des frais et de changement de compte transfrontalier. Je vous en remercie.

III - Stabiliser les textes non finalisables

Pour d'autres textes que nous n'aurons pas le temps d'examiner en trilogue, l'obtention d'un accord en Plénière est fondamental afin de reprendre le travail législatif dans les meilleures conditions après le renouvellement du Parlement.

C’est le cas pour le paquet anti-blanchiment et ce grâce au vote de la semaine dernière.

J'espère que ce sera aussi le cas lors de la première session plénière d'avril pour le paquet législatif sur les paiements, qui inclut la révision de la directive services de paiements et le règlement sur les commissions multilatérales d’interchange.

Ces textes pourraient alors être finalisés avant la fin de l'année.

D'autres dossiers ne peuvent ni être conclus sous ce mandat ni faire l'objet d'un accord en Plénière. Vu l'importance de la proposition sur les indices de référence [benchmarks], je comprends la décision de la commission ECON de reporter le vote à la prochaine législature. L'absence d'un consensus suffisant entre les groupes politiques ne permettrait pas d'envoyer un message fort sur ce sujet avant la prochaine législature. Je maintiens qu'un champ d’application large, conforme aux principes de l'IOSCO est essentiel afin d’assurer la solidité, la fiabilité et la continuité des indices de référence dans l'UE, ainsi que la sécurité juridique de leurs administrateurs et contributeurs. Je reste conscient de l'urgence de cette proposition et je suis déterminé à travailler avec le Parlement et le Conseil pour aboutir à un accord sur un texte ambitieux. La question du champ d’application est clé: je note que des risques similaires à ceux du LIBOR ont déjà été identifiés pour d’autres indices (par exemple les matières premières).

En ce qui concerne les fonds monétaires, comme le rapporteur Said El Khadraoui, je regrette que les différences d'opinion concernant le coussin de capital qui s'appliquera aux CNAV aient abouti à une situation de blocage. Sur le fond, je persiste à croire que notre proposition est équilibrée. Dans un souci d'apaisement, je suis prêt à accepter les amendements déposés par Jean-Paul Gauzès sur la mise en œuvre graduelle du coussin de capital (cinq ans au lieu de trois) et sur la clause de réexamen à mi-parcours (après trois ans).

IV - Assurer la mise en œuvre des mesures de niveau 2 de la CRD IV

La mise en œuvre de la CRD IV renforce la solidité du secteur financier européen tout en préservant le financement de l’économie réelle. Le paquet CRD IV est appliqué depuis le 1er janvier 2014. Tous les États membres sont activement engagés dans la transposition de la directive. Toutefois, une majorité d'États membres n'est pas parvenue à respecter l'échéance du 1er janvier 2014 fixée par la directive. Cela s'explique en partie par le délai assez exigeant de 6 mois qui avait été donné aux États membres pour se conformer à cette obligation. La plupart des États membres seraient cependant en mesure de transposer les nouvelles normes avant l'été.

Parallèlement, la Commission a finalisé et transmis une première série de normes techniques contraignantes élaborées par l'ABE. L’adoption de ces normes techniques est une étape importante pour une application cohérente dans l’ensemble de l’UE.

Les normes techniques de réglementation (RTS) approuvées par la Commission sont juridiquement cohérentes, équilibrées et conformes au mandat de la CRD IV. Les projets présentés par l'ABE, très solides, n’ont pas été modifiés par la Commission. Mes services ont tenu le Parlement informé autant que possible et se sont montrés disponibles en venant présenter les RTS et en débattre à la dernière réunion de votre commission comme à celle de vos coordinateurs.

J'insiste sur ce point: les services de la Commission ont transmis les projets de l'ABE au plus tôt, et ont transmis diligemment et dans les délais requis les informations dont ils disposaient sur les RTS en cours d'adoption.

Sur le fond, l'ABE et la Commission sont liées par le texte de niveau 1. Il n’est pas possible d’élargir - ou de réduire - le champ d'application de la CRD 4. Durant la procédure d’adoption des RTS, la Commission a accordé une attention particulière à ce que le texte de niveau 2 respecte entièrement le mandat et le champ d'application du texte de niveau 1.

C'est particulièrement le cas en matière de rémunération. Les normes techniques permettront d’identifier clairement les personnes qui sont effectivement visées par les nouvelles règles de l’UE relatives aux bonus, ce qui est indispensable si l’on veut éviter que ces règles ne soient contournées.

Si le Parlement, ce dont je ne doute pas, ne s’oppose pas aux RTS proposés, nous pourrons publier les règlements délégués rapidement, obligeant les banques à mettre en œuvre les règles au plus vite. En l'absence des RTS, les banques auraient une excuse pour ne rien faire. Ne leur faisons pas ce cadeau !

Un mot sur ce qui attend la prochaine commission ECON. Le grand défi du début de la prochaine mandature sera que le Parlement s'empare rapidement du sujet de la réforme structurelle des banques.

Cette proposition est ambitieuse. C'est pour moi une clef de voute de la réforme de la réglementation du système bancaire européen. Elle concerne le petit nombre de très grandes banques qui, en l'absence de changements législatifs, pourraient être « trop grandes pour faire faillite » et pour lesquelles le sauvetage serait trop coûteux et la résolution en cas de défaillance trop complexe.

Des critiques ont pu se faire entendre, notamment d'Etats Membres ayant mis en place des réformes moins ambitieuses. Je veux être clair: notre proposition est soigneusement calibrée afin d'assurer l'équilibre délicat entre le maintien de la stabilité financière et la création de conditions propices à l'octroi de crédits à l'économie réelle. Je suis convaincu que Parlement ne se laissera pas brider sur ce sujet qui est particulièrement important pour la compétitivité et la croissance.

Plus largement, je considère que nous devons évaluer la cohérence d'ensemble et les effets économiques de notre programme de régulation financière, en mettant en particulier en évidence tout effet non désiré sur la croissance. C'est l'objectif de la revue économique de notre agenda de régulation financière sur laquelle nous sommes en train de travailler, et que nous devrions présenter en avril.

Je voudrais, pour conclure, vous annoncer que la Commission adoptera la semaine prochaine une communication sur le financement de long terme, en réponse au débat sur le financement de long terme de l’économie. Le Parlement a significativement contribué à ce débat - et je veux remercier ici en particulier M. Klinz pour son rapport, voté en février dernier.

Mesdames et Messieurs, chaque réforme, chaque résultat obtenu, chaque mesure en faveur de la croissance et de l'emploi, sont les fruits de nos efforts conjoints. Ils n'auraient pas été possibles sans l'esprit de coopération et le sens de l'intérêt européen dont votre Parlement fait preuve. Dans deux mois, nous présenterons aux électeurs un bon bilan, servi par une vision d'ensemble ambitieuse.

Je vous remercie.