Toespraak eurocommissaris Barnier (interne markt) over financieel toezicht en auditing (fr)

Met dank overgenomen van Europese Commissie (EC) i, gepubliceerd op donderdag 30 juni 2011.

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de pouvoir m'exprimer ici, devant la Fédération des experts-comptables européens à l'occasion de votre quatrième conférence annuelle sur l'audit.

Nombre d'entre vous étaient déjà présents lors de la conférence organisée par la Commission à Bruxelles en février dernier, et je suis heureux que nous puissions avoir des rendez-vous réguliers pour suivre l'avancement de notre réforme du secteur de l'audit. C'est ma méthode: nous dialoguons avec toutes les parties prenantes pour trouver des solutions équilibrées et appropriées.

Comme vous le savez, la Commission a lancé plusieurs propositions ambitieuses qui visent à reformer le secteur financier. Je pense notamment aux initiatives sur les produits dérivés et la vente à découvert, ou encore aux réformes renforçant la protection des consommateurs: L'amélioration des systèmes des garanties des dépôts et l'indemnisation des investisseurs, des règles assurant des prêts et emprunts responsables et la mise en œuvre de SEPA (le Single Euro Payment Area).

Dans les prochaines semaines, voire mois, nous présenterons des textes très importants sur la capitalisation bancaire, la gestion de crise et résolution bancaire, la réforme de la législation sur les marchés financiers et l'abus des marchés et la deuxième révision du Règlement sur les agences de notation. Bien évidemment, il faudrait le même niveau d'ambition chez les co-législateurs pour assurer que les textes soient adoptés dans les meilleurs délais.

Mesdames et Messieurs, comme vous pouvez le voir: Nous sommes en train de tirer toutes les leçons de la crise, étape par étape. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas regarder tous les secteurs financiers, y compris le secteur d'audit.

Notre économie et nos concitoyens ont suffisamment souffert de ses répercussions - et ils continuent d'en souffrir ! Nous le voyons en Grèce et partout en Europe.

Notre devoir est de tout faire pour éviter de nouvelles déflagrations, et pour cela, chaque acteur de l'économie doit être à la hauteur du rôle social qui est le sien.

Concernant l'audit, nous avons déjà identifié certains points faibles ; pour cela, nous avons pris le temps de la concertation, avec notre livre vert, publié en novembre dernier.

Vous y avez été pleinement associés, et nous ferons notre proposition selon le calendrier prévu, en novembre prochain.

J'aimerais donc aujourd'hui préciser certaines orientations qui se dessinent de plus en plus nettement à mesure que nous avançons dans l'année.

Ces orientations convergent toutes vers un même objectif : assurer l'avenir de la profession d'auditeur en la rendant structurellement incontestable.

Nous nous concentrerons sur trois grands axes, et je salue le fait qu'ils seront tous débattus lors de votre conférence aujourd'hui:

I. L'indépendance de la profession

II. L'ouverture du marché de l'audit

III. La création d'un marché européen plus intégré et le renforcement de la supervision

Premier point: L'indépendance doit être le maître-mot de la profession.

Notre premier souci est la qualité et la crédibilité de l'audit. Ce dont nous avons le plus besoin pour renouer avec une croissance durable, c'est un environnement de confiance : on ne prête pas, on ne fait pas affaire si l'on n'a pas confiance en l'autre.

L'auditeur joue un rôle clé dans ce contexte. Notre constat est que de nombreuses parties prenantes n'ont pas une entière confiance dans les comptes des sociétés. Elles ne sont pas convaincues de l'indépendance de l'auditeur qui vérifie ces comptes. Ce climat de défiance pourrait nuire à l'investissement. Il y a là un risque de cercle vicieux que je veux inverser.

Et pour cela, je le répète, la question de l'audit est cruciale et son rôle doit être préservé. L'indépendance des auditeurs est la condition sine qua non pour que leurs rapports suscitent une pleine confiance. L'auditeur doit être au-dessus de tout soupçon. Nous le savons, dans ce domaine les perceptions sont importantes.

Or, que constatons-nous bien souvent ? Que les auditeurs sont parfois trop liés aux entreprises qu'ils auditent. Lorsque le directeur financier d'un grand opérateur européen déclare qu'il attend de son auditeur une certaine "docilité", il nuit à toute la profession. Lorsque l'on voit que de nombreuses sociétés conservent le même cabinet d'audit pendant des décennies - voire plus d'un siècle - cela nuit à la profession. Comme le fait que la sélection de l'auditeur ne se fasse pas selon des appels d'offres réguliers et transparents nuit à la profession.

Mesdames et Messieurs, je suis conscient que certains parmi vous ne partagent pas ce diagnostique. Mais je reste convaincu que le statu quo n'est plus une option.

Quelles solutions pouvons-nous apporter ?

Tout d'abord, il faudrait examiner d'avantage la rotation obligatoire du cabinet d'audit après un certain laps de temps. L'essentiel est de trouver un juste équilibre entre des rotations excessives, qui nuiraient à la qualité de l'audit, et l'indépendance de l'auditeur.

Deuxième constat: Un autre facteur de familiarité excessive entre auditeurs et audités réside dans la fourniture de trop nombreux services dits "annexes" ou "non audit" par les auditeurs. Pour la plupart des grands réseaux d'auditeurs, ces services génèrent plus de revenus que l'audit lui-même. Or, comment imaginer que l'on juge en toute indépendance une entreprise que l'on conseille par ailleurs sur sa stratégie de développement ?

Je suis persuadé qu'il faut limiter - ou peut-être interdire- les prestations non-audit aux clients audités. Je crois à des règles communes à toute l'Union européenne dans ce domaine, et je me demande s'il ne faut pas aller jusqu'à proposer des "firmes d'audit pur" [qui ne pourraient pas fournir d'autres services que de l'audit]. Cela aurait aussi l'avantage d'ouvrir ces marchés non audit à toute une série de PME qui n'ont aucune chance face à la prédominance des grands cabinets. Nous réfléchissons encore à la faisabilité pratique de cette option et à sa proportionnalité au regard des enjeux.

Deuxième axe du travail: Le marché de l'audit doit être plus ouvert

Il y a à peine une génération, le marché se partageait entre huit grands cabinets. Aujourd'hui, les sociétés d'audit opèrent sur un marché très concentré, et qui l'est d'autant plus que les sociétés auditées sont plus importantes. Ces quatre cabinets contrôlent environ 80% du marché européen des audits des sociétés cotées. La situation est encore plus préoccupante dans certains pays, où l'on ne parle pas de Big Four, mais de Big Three ou de Big Two ! Dans la première économie européenne seulement deux cabinets détiennent 90% des mandats du principal index boursier (le DAX 30). En Espagne, il n'y a même qu'un Big One, puisqu'un seul cabinet certifie les comptes des plus grandes banques et détient 58% du marché.

Je ne mène pas une croisade contre les Big Four ! Mais je ne me satisfais pas que le marché de l'audit des grandes entreprises soit à ce point dominé par quatre réseaux alors qu'il y a au moins autant de cabinets qui souhaitent accéder à ce marché en Europe. Je veux plus d'acteurs et plus de dynamisme, surtout dans ce segment du marché. Et je note qu'il y a une situation similaire dans les autres secteurs, je pense notamment aux agences de notation où le marché est dominé par les Big Three. Là aussi, nous proposerons prochainement des mesures pour dynamiser la situation actuelle.

Les dernières évolutions en termes de concentration du secteur ne m'ont pas échappé, que ce soit en Europe [PriceWaterhouseCoopers est en train d'acquérir Grant Thornton au Danemark] ou en dehors [KPMG a acheté BDO au Brésil, récemment]. Le rachat de cabinets appartenant à des réseaux de taille moyenne par les quatre grands, sont un sujet préoccupant. Ils nuisent à la compétitivité des réseaux de taille moyenne et réduisent à zéro leurs chances d'accéder au marché des grands audits. Ces développements ne font - hélas - que renforcer le bien-fondé de notre démarche.

Plusieurs pistes sont à l'étude pour dynamiser le marché.

L'une est la formule du co-commissariat ; mais je pense aussi à des mises en concurrence obligatoires régulières, transparentes, et plus équitables. Je défends aussi l'interdiction de clauses contractuelles restrictives en faveur des Big Four. Cette pratique me semble totalement inacceptable dans un marché européen où la concurrence doit être libre et authentique.

Le troisième grand axe de mon projet est la création d'un marché européen et le renforcement de la supervision

Paradoxalement, ce marché si concentré demeure très fragmenté nationalement. Face à cela, la solution passe par l'intégration européenne.

C'est, depuis les origines, le rôle de la Commission de favoriser la libre circulation des professionnels. Nous étudions en ce moment plusieurs pistes pour rendre le marché de l'audit plus européen, à commencer par l'idée d'un passeport européen pour les auditeurs. Nous nous inspirerons des solutions qui ont été trouvées dans le domaine des qualifications professionnelles. Je ne trouve pas acceptable qu'un auditeur doive passer des examens supplémentaires dans chaque pays dans lequel il souhaite travailler. La mobilité, y compris celle des auditeurs, est un impératif si nous voulons renforcer notre compétitivité et notre croissance. D'autres pistes existent : la reconnaissance automatique des cabinets déjà approuvés dans d'autres Etats ; l'attribution d'un label de qualité européen qui montrerait la capacité de tous les cabinets concernés à auditer des entreprises de plus grande taille.

Un autre levier pour assurer cette mobilité professionnelle est d'harmoniser les normes d'audit à travers l'Union européenne. Nous sommes d'ailleurs en train d'étudier la meilleure façon de demander aux Etats membres d'introduire les normes internationales d'audit, les ISA [ai:sas] [International Standards on Auditing]. Il est important d'avoir des règles communes. Elles contribuent aussi à la mobilité des professionnels.

Mais nous devons faire preuve de discernement. Dans ce domaine, comme dans tous les autres que j'ai évoqués, nous devons éviter de causer aux PME auditées et aux petits et moyens cabinets d'audit, des charges supplémentaires qui ne seraient pas strictement nécessaires.

En ce qui concerne la supervision: Afin que le marché européen puisse fonctionner, il faudrait assurer une coopération plus étroite entre les superviseurs européens. Nous souhaitons donc que les autorités de surveillance des auditeurs coopèrent et échangent davantage. Cette coopération à notre sens doit se faire au sein de l'ESMA, qui est opérationnelle depuis janvier.

Je souhaite aussi renforcer l'indépendance des autorités de surveillance au niveau national. Elles doivent être totalement indépendantes des auditeurs et de leurs organisations professionnelles.

Enfin, il est important d'améliorer la communication entre les cabinets et les régulateurs pour renforcer le rôle préventif de l'auditeur.

A l'occasion de son contrôle, l'auditeur acquiert une connaissance approfondie de l'entité contrôlée et il dispose d'un accès privilégié à un grand nombre d'informations.

Malheureusement, il ne les restitue pas toujours de manière très structurée. Cela vaut vis-à-vis des régulateurs, mais aussi des dirigeants, des comités d'audit et des actionnaires. Cela doit changer, tout en respectant le rôle du chacun et notamment celui du superviseur prudentiel.

Mesdames et Messieurs,

Nous avons un objectif commun qui est de redéfinir et revaloriser le rôle de l'auditeur. Je vous confirme mon engagement à faire évoluer ce rôle vers plus de responsabilité dans un souci d'une anticipation des attentes légitimes des citoyens et des investisseurs.

Nous serons particulièrement attentifs au rapport du Parlement européen qui sera adopté après l'été et que l'un des rapporteurs, Monsieur Antonio MASIP HIDALGO, vous présentera tout à l'heure.

Je suis aussi avec un très grand intérêt les discussions aux Etats-Unis. Je constate qu'il y a de nombreux points communs dans nos démarches. Et je salue Monsieur James DOTY, le président de l'Autorité américaine de surveillance des auditeurs, le PCAOB. Sa présence est d'autant plus importante que nous devons - aussi dans ce domaine de l'audit - trouver des solutions globales à des problèmes globaux.

Je vous remercie pour votre attention.