Van crisis naar opleving: er is geen tijd te verliezen (fr)

Met dank overgenomen van Europese Commissie (EC) i, gepubliceerd op donderdag 4 december 2008.

José Manuel Durão Barroso

Président de la Commission européenne

De la crise a la relance: il n'y a pas de temps à perdre!

Intervention devant la Chambre des députés du Luxembourg

Luxembourg, le 4 décembre 2008

Monsieur le Président de la Chambre des députés,

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les députés,

C'est avec un très grand plaisir que j'ai répondu à votre invitation aujourd'hui, dans la capitale du Grand-Duché. Je suis heureux de venir débattre avec la représentation nationale d'un pays qui est non seulement fondateur de l'Europe, mais à l'avant-garde de l'Europe! En pleine seconde guerre mondiale, en 1944, alors que le gouvernement luxembourgeois était en exil, vous avez créé avec la Belgique et les Pays-Bas le premier embryon d'Europe, l'union douanière du Benelux. Autant dire que votre pays n'a pas besoin d'un brevet d'esprit européen!

Cet après-midi, je participerai à l'inauguration du nouveau palais de la Cour de justice européenne. Là non plus, il n'y a pas à démontrer le lien indissoluble qui unit la vocation européenne du Grand-Duché et le droit communautaire.

Un de mes illustres prédécesseurs à la tête de la Commission européenne, votre compatriote Gaston Thorn, expliquait que l'Europe était pour le Luxembourg un choix vital. Je le cite: "Je suis toujours irrité lorsqu'on m'objecte que l'adhésion à la construction européenne relève de l'idéalisme. Bien au contraire. Pour nous, Luxembourgeois, c'est notre seule assurance contre le fléau dont nous avons été victimes pendant des siècles. L'Europe n'est nullement un nuage rose, mais une garantie de survie".

Je viens moi aussi, vous le savez, d'un pays relativement petit, et pour moi, du temps de la dictature portugaise, l'Europe était un nuage plus que rose! C'était l'idéalisme de la liberté et de la démocratie. Pour vous, comme beaucoup d'autre de nos pays membres, l'adhésion à l'Europe est un choix de la raison qui est devenu un choix du cœur. Quelle que soit la diversité de nos motivations initiales, nous sommes tous rassemblés dans l'adhésion profonde à une communauté, à un projet et à une ambition politiques. C'est exactement ce que j'appelle l'esprit européen. Et l'Europe sait qu'elle peut compter sur l'esprit profondément européen de votre pays, c'est-à -dire, et de ses dirigeants politiques, et de son peuple.

Mesdames et Messieurs les députés,

Nous nous rencontrons à quelques jours d'un Conseil européen décisif. Une des questions essentielles qu'il examinera sera évidemment l'état des lieux du traité de Lisbonne. Vous êtes naturellement concernés puisque ce traité, s'il est ratifié, renforcera la démocratie européenne et la subsidiarité, et donc les pouvoirs du Parlement européen et des parlements nationaux.

Nous verrons la semaine prochaine la solution que l'Irlande proposera à ses citoyens et à ses partenaires européens. En ce qui concerne la République tchèque, je suis heureux que la Cour suprême tchèque ait déclaré le traité conforme à la Constitution du pays. C'est une très bonne nouvelle. Je sais qu'il y a encore beaucoup d'obstacles politiques à surmonter avant la ratification du traité, mais à quelques jours de la présidence tchèque du Conseil, je suis confiant.

Dans quelques jours, le Conseil européen va faire d'autres choix déterminants pour notre avenir. Ces deux grands dossiers politiques sont liés: le plan de relance économique et le paquet "énergie et climat".

Nous sommes dans un contexte de crise sans précédent et à la veille d'une vague de récession mondiale.

Aux premiers signes de propagation de la débâcle financière, il a fallu agir d'urgence. L'Union s'est unie et a déployé les grands moyens pour faire face.

Au niveau mondial, l'Europe a joué un rôle de locomotive dans la "prise en charge internationale" de la crise. C'est l'initiative de l'Union qui a fait émerger le consensus du G20 sur la nécessité d'apporter une réponse mondiale à une crise mondiale.

Les idées sur lesquelles le G20 s'est mis d'accord portent le label "made in Europe". Vous me permettrez de le dire avec fierté, c'est bien la Commission européenne qui a présenté la première ébauche de plan pour dépasser la gestion de la crise des marchés financiers et s'atteler aux défis économiques.

À l'intérieur, l'Europe est parvenue à réagir et à se mettre d'accord très vite sur une réponse coordonnée de l'Union. Depuis le début de cette crise, la Commission européenne est dans la cabine de pilotage. Elle est au centre de l'initiative. Elle doit conduire 27 États membres sur un terrain très accidenté et extrêmement difficile. Je peux vous dire que dans ces situations, vous êtes concentrés sur l'action et vous n'avez pas de temps pour les gesticulations.

Bien sûr, toutes les mesures que nous avons mises en place, nous les avons définies dans une concertation étroite entre la Commission, et la présidence du Conseil, avec la collaboration constante du Parlement européen. Je le dis sans ambiguïté, le jugement politique et la conviction européenne du Président Sarkozy ont été un formidable atout dans cette situation particulière. Je le dis tout aussi clairement, le jugement politique et la conviction européenne de votre Premier Ministre et président de l'eurogroupe, Jean-Claude Juncker, ont été un formidable atout dans cette situation particulière. Je dirai exactement la même chose du président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet.

Toute l'Europe devrait avoir intérêt à avoir une présidence forte du Conseil, un Parlement européen fort et une Commission forte. Une présidence du Conseil exercée par un grand pays ne réduit pas le rôle de la Commission européenne, au détriment des petits pays.

Pour moi, une présidence forte, c'est une présidence animée d'un esprit européen très fort. Cela n'a rien à voir avec la taille du pays. Les présidences luxembourgeoises du Conseil ont toujours été des présidences fortes. Non seulement vous avez les convictions européennes dont j'ai parlé. Mais vous avez un des dirigeants politiques les plus expérimentés et les plus écoutés d'Europe, et à juste titre!

De la même manière, il faut naturellement une Commission forte. Là aussi, soyons clairs. Qu'est-ce qui fait la force de la Commission? C'est d'une part qu'elle est un point stable et qu'elle est là pour assurer la continuité de l'action européenne. Au fil des présidences du Conseil et quels que soient les changements nationaux de couleur politique. C'est bien la Commission qui veille avec constance à ce que le navire garde son cap, et elle le fera bien au-delà de la présidence française. Car le rôle de la Commission européenne est bien entendu de prendre des initiatives et de faire des propositions mais ceci en gardant à l'esprit un sens de réalisme et du faisable.

Mais la force de la Commission, c'est aussi qu'en défendant le droit communautaire et l'intérêt général européen, elle garantit l'équité et l'égalité de tous les États membres sans exception. C'est sa raison d'être.

En dernière analyse, plus la coopération politique est étroite et constructive entre toutes les institutions européennes, plus l'Europe avance.

Or nous avons vraiment besoin d'avancer! Face à la crise qui commence à miner l'économie réelle, il faut déployer notre "plan d'attaque" pour réunir les conditions d'une relance, pour limiter l'impact de la crise sur les citoyens et pour rétablir la confiance.

Ma grande préoccupation était que le plan de relance européen soit assez ambitieux et audacieux pour avoir un effet à court terme, mais en même temps assez stratégique et durable pour transformer la crise en tremplin pour l'avenir à plus long terme. Dans ce sens, nous devons assurer qu'il n'y a pas des contradictions entre nos mesures de court terme et nos mesures de long terme.

Le plan de relance que j'ai présenté la semaine dernière définit deux grands volets d'action et fixe un principe fondamental. Stimulation budgétaire et investissement dans les secteurs d'avenir, d'un côté, en assurant une compatibilité entre mesures de court terme et nos réformes de moyen et long terme. Solidarité et justice sociale, de l'autre. J'y reviendrai.

À crise exceptionnelle, moyens exceptionnels. L'heure n'est ni aux tabous idéologiques ni aux réflexes dogmatiques. Quand je vois la gravité de la crise, je n'ai pas d'état d'âme. Ma seule préoccupation est que ce plan marche. Il faut fournir un immense effort coordonné, pour notre bien collectif.

Notre plan de relance va donc mobiliser tous les leviers disponibles - budgétaires, monétaires, structurels ou réglementaires - tant au niveau européen qu'au niveau national.

Je crois que nous sommes parvenus à un bon équilibre de la charge entre efforts nationaux et engagement de l'Europe. La Commission européenne occupe une place particulière qui lui permet d'aider les États membres à collaborer, tout en évitant les solutions uniformisées. Tous les États membres auront besoin d'un fortifiant, mais à chacun sa posologie! J'insiste sur le fait qu'il faut coordonner nos politiques de relance mais non plus les uniformités. Car les situations entre les États membres sont parfois très différentes.

Le plan fixe un cadre clair à la fois pour la stimulation budgétaire, c'est-à -dire deux ans, mais aussi pour le retour à la stabilité budgétaire à moyen terme.

Relancer la dépense à court terme sans réformes structurelles et sans stratégie d'investissement ou sans stratégie de désendettement, c'est prendre le risque d'activer la spirale de la dette et du chômage.

Je l'ai dit, la Commission va appliquer le pacte de stabilité de façon judicieuse. Le pacte prévoit déjà des marges de manœuvre pour faire face à des circonstances exceptionnelles. Il serait totalement absurde de ne pas tenir compte d'une crise sans précédent.

Pour autant, souplesse ne veut pas dire irresponsabilité politique. La Commission reste la gardienne des traités et celui de Maastricht n'est pas mort et enterré! Il n'est pas question pour la Commission d'accorder sa bénédiction à tous les dérapages ou à toutes les dérives. Pour une question de principe et de respect du droit, que je n'ai pas besoin de développer. Mais aussi pour une raison politique. Parce que l'idée que je défends, c'est de transformer la mauvaise passe de la crise en tremplin pour la suite et de nous positionner pour l'après-crise. Ce n'est pas de se charger de boulets trop lourds à porter au moment du rebond! Un de nos grands atouts c'est l'Euro. Je vais toujours défendre l'Euro. On ne peut pas avoir un Euro fort avec un pacte faible.

À part ça, il faut absolument accélérer les réformes structurelles de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi. La crise justifie plus que jamais de tenir la ligne de cette stratégie et de faire de l'Europe une économie du 21ème siècle, branchée sur l'économie du savoir et sobre en carbone. Les deux volets sont indissociables. Et voilà comment les deux dossiers sur lequel le Conseil européen se prononcera la semaine prochaine convergent. C'est là que se crée le succès du Conseil européen: par la convergence de ces volets.

L'Europe doit investir dans la croissance intelligente et écologique. Investir dans les gens, dans les entreprises et dans l'économie verte. C'est-à -dire dans les compétences, l'efficacité énergétique, les infrastructures, l'innovation et les technologies propres. Voilà pourquoi le plan de relance prévoit par exemple un soutien de 5 milliards d'euros pour les voitures "vertes".

L'Europe doit donc résolument continuer à mettre le cap sur une nouvelle politique européenne énergétique et climatique. Nous avons besoin de ce facteur fondamental de compétitivité future.

Ce sera difficile. Ce sera coûteux. Mais notre ambition peut déclencher une vraie révolution industrielle. L'Agence internationale de l'énergie estime les besoins mondiaux d'investissement dans le secteur de l'énergie à 400 milliards de dollars par an.

Nous sommes en bonne voie pour obtenir un accord global sur le paquet 'climat et énergie' en décembre. Nous serions alors en position de force pour obtenir un autre accord international, ambitieux lui aussi, Ã Copenhague en 2009.

Les négociations sont arrivées à leur phase décisive et finale. Mais la plupart des États membres acceptent l'architecture de notre paquet législatif. Je crois que nous trouverons un point de compromis et qu'un accord est à portée de notre main.

Je voudrais maintenant aborder l'autre axe capital du plan de relance européen: la réponse aux préoccupations sociales et la solidarité avec les citoyens. Le chômage va frapper l'Europe dans les mois à venir, ne le nions pas. Nous devons absolument faire un effort considérable pour atténuer les conséquences de la crise pour les plus vulnérables.

Sur le plan national, le plan de relance propose aux gouvernements des pistes d'action comme celle d'accroître les transferts sociaux aux foyers modestes ou d'allonger temporairement la durée des allocations de chômage. Il y a aussi une panoplie de mesures fiscales possibles. Vous en serez les codécideurs.

Sur le plan politique européen, il faut que la stimulation budgétaire contribue à l'intégration sur le marché de l'emploi. Nous allons proposer toute une série de mesures pour faciliter l'accès des jeunes à l'emploi et encourager la formation et la reconversion. En parallèle, le soutien budgétaire doit travailler à une croissance durable, créer les emplois de demain et irriguer toute l'économie. Il faut donc investir plus massivement dans l'innovation, la recherche et développement, l'interconnectivité et l'économie verte, pour réduire les coûts administratifs des entreprises et libérer leur potentiel, en particulier celui des PME.

Pour une partie des financements, la Commission propose aussi d’accélérer le déblocage de 6,3 milliards d'euros des fonds régionaux et du Fonds social européen en 2009. Nous proposons aussi de permettre au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation d'intervenir plus rapidement dans certains secteurs qui risquent d'être plus durement touchés par la crise et le chômage que d'autres.

Ces jours-ci, vous entendez comme moi ce refrain: les Etats-Unis lancent un plan de 700 milliards de dollars, tandis que l'Europe se contente de 200 "petits" milliards d'euros. On oublie peut-être un "détail"! Les Etats-Unis ne connaissent pas le principe de l'Etat providence. Devant l'ampleur de la crise actuelle, ils doivent donc prévoir une intervention sociale plus que considérable. L'Europe, elle, est une économie sociale de marché. Elle a déjà , et depuis toujours, des systèmes de sécurité sociale et des politiques sociales. Alors ne confondons pas les choses.

Mesdames et Messieurs les députés,

À la veille de décisions déterminantes pour notre avenir commun, je voudrais conclure en disant que les événements récents nous rappellent que notre meilleure chance de réussite, c'est l'union. Retenons la leçon! Plus nous serons solidaires dans la crise, plus nous le serons dans la sortie de crise. Il nous faut plus d'Europe pas moins d'Europe.

Il n'y a pas de temps à perdre!

Merci