Speech Commissaris Michel in Barbados over het EU-ACP partnerschap (fr)

dinsdag 21 november 2006

SPEECH/06/713

Louis Michel

Commissaire européen au Développement et à l'Aide humanitaire

"Partenariat UE-ACP : soutenir des Etats capacitaires et renforcer la cohésion sociale pour faire face aux défis de la mondialisation"

Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE

Bridgetown, Barbades, 20 novembre 2006

Vos Excellences,

Mesdames et Messieurs,

La présente Assemblée Parlementaire Paritaire se déroule à un moment crucial. C’est dans cette période que se fixent les rythmes et les modalités de la mise en œuvre pratique du Partenariat entre l'Union européenne et les pays ACP au cours des années à venir. La qualité de ce partenariat sera mesurée par rapport aux résultats tangibles dont elle pourra se prévaloir vis-à-vis des populations, notamment les pauvres dans les pays ACP. Pour avoir un impact effectif, nos relations doivent demeurer dynamiques, adaptables aux paramètres évolutifs de la mondialisation et être une force de changement positif.

Quels défis nous attendent ? Des efforts considérables devront être déployés pour que les pays ACP atteignent les objectifs du millénaire de développement. Les progrès accomplis jusqu'à présent ont été très inégaux et n’ont pas atteint suffisamment les résultats escomptés. La croissance économique reste en moyenne insuffisante et la part des pays ACP dans les flux internationaux de commerce et d'investissement est minime et a même baissé au cours de ces dernières décennies.

Peu nombreux sont ceux qui ne reconnaîtraient pas que les domaines suivants sont cruciaux pour un changement de la situation : la paix et la sécurité des populations, un État qui s'acquitte de toutes ses fonctions régaliennes avec efficacité, et des populations qui sachent tirer parti des perspectives qui leur sont offertes. Les conditions doivent être en place pour atteindre une croissance économique forte et équitable sans laquelle les ressources nécessaires pour vaincre la pauvreté ne peuvent pas être générées à long terme. Renverser la tendance actuelle de marginalisation économique nécessitera de l'ambition, des décisions radicales et une réelle volonté politique de réforme. Mais à cette fin, les gouvernements ACP auront besoin de partenaires forts et d'un soutien effectif pour répondre à ces défis de taille.

Depuis que je suis entré en fonction, mon objectif a été de faire de l'Union européenne ce partenaire fort : un partenaire plus efficace pour répondre aux défis du développement et un partenaire plus cohérent en appliquant une approche globale du développement. Nous avons depuis lors remodelé les fondements stratégiques de notre coopération au développement. La première étape a été de rallier tous les États membres et institutions de l'Union européenne autour du Consensus européen. Ainsi, nous avons pu préparer avec les États membres des stratégies géographiques globales pour les trois régions ACP : l'Afrique, les Caraïbes et le Pacifique. Leur objectif est de mieux cibler l'application de l'accord de Cotonou sur les défis et problèmes spécifiques rencontrés dans les différentes régions. Loin de concurrencer l'accord de Cotonou, les stratégies régionales rendront notre partenariat plus efficace étant donné que l'ensemble de l'UE lui accordera son soutien avec plus de cohérence entre tous les instruments qu'elle a à sa disposition.

Comment ces stratégies seront-elles traduites dans la réalité ? Les instruments-clés permettant de mettre en œuvre nos stratégies sont d'abord et surtout la programmation du 10e FED et les Accords de partenariat économique. Nous avons aussi besoin d'un dialogue politique franc et constructif pour avancer ensemble. Tous ces éléments sont étroitement liés et se renforcent mutuellement. Aucun élément seul ne peut porter des fruits par lui-même.

La programmation du 10e FED est décisive pour déterminer le contenu de notre coopération jusqu'en 2013. Il s'agit du processus d'allocation de l'aide qui liera nos politiques et stratégies aux résultats sur le terrain. Notre coopération doit avoir un réel impact là où elle apporte le plus :

  • aider à la construction d'États performants qui assument leurs fonctions régaliennes et qui offrent à leurs citoyens l’accès indispensable aux services cruciaux, tels que la santé, l’éducation et une justice impartiale ;
  • renforcer la capacité des populations à défendre leurs droits, à contribuer au développement de leur pays et à saisir les opportunités (le ‘empowerment’) ;
  • et stimuler la croissance en faveur de la lutte contre la pauvreté (le ‘pro-poor growth’).

Gouvernance

Toute l'expérience acquise dans les pays développés et en développement montre qu'un État efficace, performant et impartial est un facteur déterminant pour le développement. Voilà pourquoi la 'gouvernance' doit être aussi bien au cœur de notre dialogue politique qu'un élément important de la programmation du 10e FED. Ce concept doit être bien compris. La gouvernance couvre tout le champ de l'action de l'Etat, dans sa dimension politique, économique, sociale, écologique. Elle vise à affirmer l'Etat dans son rôle régalien ce qui implique non seulement la capacité d'assurer les services sociaux et de sécurité minimaux mais également des structures qui responsabilisent les acteurs.

Traiter des problématiques de gouvernance dans le 10e FED ne doit pas être confondu avec la conditionnalité. Compte tenu de l'importance cruciale du rôle de l'État dans la promotion du développement, l'ambition des gouvernements ACP à progresser dans ce domaine complexe, et leur volonté de mener des réformes décisives méritent un soutien et des incitations spécifiques. La programmation doit attribuer les ressources là où elles font une différence. C'est dans cette perspective que nous nous sommes placés pour mettre en place une allocation de l'aide en deux composantes sous le 10ème FED. Une première allocation initiale a été déterminée sur la base de critères standards, objectifs et transparents des besoins et des performances financières, économiques et sociaux des pays partenaires. Nous avons veillé à ce que cette allocation soit au minimum égale et souvent supérieure au montant du 9ème FED. En plus, un montant de l'ordre de 3 milliards d'euros a été prévu additionnellement en vue d’encourager le volontarisme des pays désireux de s’engager dans l’accélération et l’approfondissement des réformes des institutions et des services de l’Etat. Que les choses soient claires : il ne s’agit donc nullement de conditionnaliser, d’imposer ou de sanctionner. Je l’avais annoncé. Les partenaires sont invités à dresser leur propre évaluation du fonctionnement de leur Etat. Cela doit nourrir un dialogue politique sincère, authentique et respectueux entre non pas un donateur plénipotentiaire et un bénéficiaire impuissant, mais entre des partenaires respectueux, liés par des intérêts partagés.

D’ailleurs je suis très peiné d’entendre certain acteurs du développement nous soupçonner de vouloir imposer des conditions nouvelles qui pourraient conduire à des diminutions de moyens. C’est inexact et c’est incorrect.

Populations

Un pays ne pourra jamais se développer sans la mobilisation de sa ressource la plus prometteuse qui est sa population. Pour mobiliser, responsabiliser les populations, et renforcer leur capacité à défendre leurs droits, nous devons investir en elles. C'est à dessein que les objectifs de développement du millénaire mettent l'accent sur des objectifs et des cibles dans les secteurs sociaux. Nous devons en effet veiller à ce que ce soient spécialement la santé et l'éducation qui bénéficient de fonds suffisants de sorte que l'État à tous les niveaux, notamment au niveau du gouvernement local, soit à même de prester les services de base.

De notre coté nous avons mis en place un mécanisme d'appui budgétaire qui constitue un encouragement aux pays qui font de l'éducation et de la santé une priorité et qui obtiennent des résultats dans ces deux domaines. Nous sommes prêts à augmenter fortement la proportion de soutien budgétaire dans le 10e FED pour renforcer cette évolution. Bien entendu, un renforcement du soutien budgétaire doit aller de pair avec une amélioration de la gestion des finances publiques et les nécessaires réformes des politiques sectorielles.

Croissance

Je crois fermement que les cercles vicieux de la pauvreté et de la dépendance ne peuvent être brisés que si les pays ACP réussissent à renforcer considérablement leur croissance économique. C’est vrai que la croissance ne réduit pas automatiquement et dans tous les cas la pauvreté. Mais la réduction de la pauvreté est totalement impossible sans croissance. Il est donc impératif de renforcer la capacité productive des économies des ACP, notamment dans les industries à haute valeur ajoutée et à effet multiplicateur élevé. Créer un environnement propice – paix, sécurité, réformes économiques utiles, institutions sécurisantes pour les citoyens - est une condition nécessaire et presque suffisante. Ceux qui continuent à prétendre que l’économie de marché serait un modèle pénalisant ou qu’il existerait d’autres modèles plus profitables pour les pays en développement ré-inventent une illusion qui a déjà tant coûté aux pays pauvres.

Il n'y a pas d'exemple dans l'histoire montrant que la richesse puisse se créer sans commerce. Si l’on ne crée pas une plus grande capacité de faire du commerce – aux niveaux interne, régional et global – les pays ACP ne sortiront jamais de leur état d’impuissance et il sera de plus en plus difficile de progresser dans leurs ambitions de développement. Notre coopération doit répondre à cet état de choses fondamental avec tous les instruments qui sont à notre disposition, notamment les Accords de partenariat économique en cours de négociation. C'est également pour créer des conditions optimales favorables au déploiement économique que nous avons mis un accent fort dans nos stratégies géographiques sur la promotion de grands réseaux d’interconnexion transafricains, au niveau tant national que régional.

Pour le traduire en actions concrètes, un Partenariat pour les infrastructures a été établi avec l'Afrique. Il est renforcé par un fonds fiduciaire en faveur des infrastructures qui aidera à rassembler les efforts de l'Union Européenne pour mobiliser davantage de ressources.

Outre les conditions matérielles à mettre en place pour pouvoir soutenir les échanges, il faut aussi investir dans des industries productives et compétitives. Nous devons écouter davantage ceux qui apportent leur esprit d'entreprise pour transformer les possibilités en réalités économiques. Comme vous le savez, la Commission européenne vient d'accueillir le premier Forum des entreprises UE – Afrique la semaine dernière. Son but était précisément d'intéresser davantage les entreprises européennes à l'Afrique, d'augmenter les investissements et de contribuer à améliorer le climat des affaires en Afrique.

Les perspectives les plus immédiates pour le commerce se trouvent dans les régions ACP elles mêmes. Paradoxalement, c'est bien là que se trouvent parfois les plus importants obstacles au commerce. L'intégration régionale peut contribuer à stimuler les échanges et la croissance économique dans les conditions fixées par les pays ACP eux-mêmes. Les avantages de l'intégration régionale vont bien entendu au-delà des considérations économiques; c'est en même temps la clé de la paix et de la stabilité qui, à son tour, est un préalable au développement. Valoriser les forces positives de l'intégration régionale est le domaine où l'Europe peut proposer son expérience et un savoir-faire sans comparaison . C’est là que notre partenariat peut être le plus fructueux. L’Histoire même de l’Europe de ces dernières décennies fut écrite à partir de cette dynamique avec le succès que l’on sait sur les plans économique, social et politique.

Les Accords de partenariat économique sont un élément crucial dans cette équation. Ils ne sont pas un objectif en soi. Le seul véritable objectif de cette démarche, c’est de promouvoir le développement durable pour éradiquer la pauvreté. Les pays ACP peuvent tirer d'une intégration plus grande de leurs économies régionales des avancées sans précédent. Les APE se placent dans un contexte de changement, à savoir la mondialisation et une économie mondiale de plus en plus libéralisée. Au lieu de participer à la croissance mondiale, les ACP ont en moyenne été marginalisés dans cette réalité, malgré les préférences très importantes dont ils ont bénéficié. Toutes les régions ACP le reconnaissent d’ailleurs, elles qui mettent en place d’ambitieux programmes d’intégration économique et de libre échange.

La négociation des Accords de partenariat économique est donc un moment très important. Ces accords peuvent devenir l'instrument d'un ambitieux programme de réforme fondé sur l'intégration régionale et le développement des capacités de production et les réformes économiques. C’est mon ambition. Certains diront que les APE pourraient se contenter d’assurer le statu quo et mettre nos arrangements commerciaux en conformité avec les règles de l’OMC. Ce serait une erreur car nous nous priverions alors de donner un élan supplémentaire à l’intégration régionale. Le statu quo – les préférences commerciales données individuellement à chaque pays – n’a pas empêché la marginalisation des pays ACP dans l'économie mondiale ni même sur le marché européen, ni ne les a beaucoup aidés à éradiquer la pauvreté. Ce n’est donc pas une option pour moi.

Néanmoins, je ne veux pas être mal compris : je prends réellement très au sérieux les préoccupations exprimées par les gouvernements ACP à diverses occasions et je suis convaincu que nous devons aller vers un dialogue beaucoup plus substantiel sans rester sur des positions tranchées. Les gouvernements ACP doivent être convaincus des perspectives et bénéfices des APE. Sans aller trop dans le détail des négociations commerciales en cours (qui relèvent du mandat de mon collègue, Peter Mandelson, avec qui vous aurez une video conférence), je ne doute pas que l'UE souhaitera – avec les pays ACP – exploiter au maximum la souplesse que prévoient les règles de l'OMC en ce qui concerne le calendrier, l'asymétrie de l'ouverture et de l'accès au marché, et d'autres paramètres importants.

Je reconnais que, même alors, les pays ACP auront besoin d'une aide substantielle pour renforcer leurs capacités et pour s'adapter à la fois à l'intégration économique régionale et à un nouveau régime commercial avec l'Union européenne. Mais je souhaite tout autant faire comprendre que les APE ne peuvent pas être désolidarisés de l'accord de Cotonou et du FED comme s'ils poursuivaient un objectif de développement qui leur serait propre. Voilà pourquoi la programmation de l'enveloppe régionale du 10e FED doit soutenir intégralement le processus APE. Tous deux couvrent deux dimensions du même programme, à savoir la maximisation des avantages tirés du commerce et de l'intégration régionale pour atteindre les objectifs du développement dans le cadre de Cotonou.

J'ai aussi pris note des préoccupations des pays ACP qui font valoir que les mesures d'aide du 10e FED pourraient être insuffisantes pour couvrir les besoins potentiels liés aux APE. L’UE dans son ensemble soutient les APE. Ceci a été réaffirmé avec force et clarté par le Conseil des Ministres en octobre, qui a décidé de consacrer une part substantielle de l’aide au commerce bilatéral des Etats membres avec les ACP et aux APE. C’est un engagement, je le souligne, qui viendra donc en plus des ressources du FED. L’étape suivante reste à accomplir, celle d’une synergie entre les ressources FED et les actions des Etats membres. J’y suis déterminé mais nos partenaires ACP peuvent aussi nous y aider.

Tout ceci doit aboutir à une seule chose : une vision commune qui combine la volonté des pays ACP de mener des réformes politiques sans lesquelles aucune ouverture commerciale ne sera porteuse de croissance et de réduction de la pauvreté ; et le soutien de l’UE pour accompagner ces réformes et faire face aux nouvelles conditions de l’intégration régionale et de la mondialisation. C'est bien ce que doit viser notre dialogue au cours des mois à venir.

Je vous remercie.