[autom.vertaling] Michel Barnier: "La politique régionale et les régions ultra-périphériques-ultra" (en)

vrijdag 31 oktober 2003

9ème conférence des présidents des régions ultra-périphériques, La Martinique, 31 octobre 2003

Mesdames, Messieurs les Présidents des régions ultra-périphériques,

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi d'adresser mes premiers mots en remerciement au président Alfred Marie-Jeanne, qui nous accueille enfin ! pourrais-je dire en cette belle région de Martinique. Et parce qu'il passera dans quelques heures le relais, je voudrais saluer une grande présidence martiniquaise.

Elle a vu la mise au point du mémorandum commun des sept RUP et des trois Etats membres. Elle a permis une mobilisation de très grande ampleur, unissant les représentants des Etats, les parlementaires européens et la Commission dans le cadre de la Convention, pour consolider la place des RUP dans le projet de Constitution.

La présidence martiniquaise était celle de beaucoup de défis ; ils ont été relevés.

Nous voilà désormais engagés dans la phase finale de réflexion avant que la Commission ne vous présente le projet de nouvelle stratégie de l'Union en faveur du développement des RUP, conformément à la demande du Conseil européen de Séville.

Nous avons déjà beaucoup travaillé sur le mémorandum que vous nous avez remis. C'est pourquoi il est très précieux pour moi d'avoir pu entendre le compte-rendu de vos ateliers d'hier, vos précisions et vos questions. Vous-mêmes et vos collaborateurs avez pu en traiter directement avec des représentants de différents services de la Commission.

Je vais tenter d'y apporter des réponses. Elles seront, pour beaucoup, préliminaires, puisque nous n'entrerons dans la phase décisive de la nouvelle stratégie que dans les semaines à venir.

En toute hypothèse, la Commission présentera cette stratégie simultanément à l'adoption du troisième rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale.

Avant d'en aborder les principaux piliers, je voudrais dire un mot des moyens sur lesquels elle pourra s'appuyer : moyens juridiques ; moyens financiers.

Les moyens juridiques

Dans un premier temps, l'article 299  2 demeurera l'instrument principal sur lequel appuyer cette stratégie. Mais l'adoption puis l'entrée en vigueur de la Constitution devrait constitutionnaliser et consolider ce socle, en clarifiant notamment son usage comme une base juridique autonome, à part entière pour l'ensemble des mesures, même sectorielles.

En effet, non seulement les travaux de la conférence intergouvernementale n'ont pas remis en cause l'article III-330 du projet de Constitution préparé par la Convention, mais le comité d'experts chargé de finaliser le texte soumis aux groupes de travail de la CIG a proposé d'intégrer les lois-cadres à la liste des instruments normatifs utilisables en la matière.

Lors de notre rencontre du 2 juin dernier, certains d'entre vous m'avaient fait part, précisément, de leur préoccupation devant l'absence de mention des mesures législatives dans l'article III-330. Voilà donc une incertitude qui pourrait être levée.

Les moyens de la cohésion territoriale

Jusqu'à la fin de 2006, la stratégie de développement des RUP pourra s'appuyer sur les instruments actuels de la politique de cohésion. Vous connaissez ces instruments, et notamment l'enveloppe de 6,7 milliards disponible au titre des fonds structurels.

Je ne peux pas, avant d'évoquer l'avenir de cette politique de cohésion, passer sous silence le lien qui sera obligatoirement fait par certains entre nos propositions pour l'avenir et la consommation actuelle des fonds structurels dans vos régions.

S'ils sont complètement et correctement consommés, alors la proposition de la Commission pourra s'appuyer sur une preuve forte. S'ils ne le sont pas, si des fonds sont frappés par la règle du dégagement d'office, alors cette proposition sera affaiblie.

Je dis cela au moment où nous approchons du 31 décembre 2003, c'est-à-dire de la première application de la règle « n + 2 » à l'ensemble de vos programmes. A titre préliminaire, il semble que la majorité de vos régions ne se trouve pas en difficulté, et je vous en félicite.

Toutefois, dans deux ou trois cas, la situation de certains fonds doit rapidement être redressée. Soyez certains de ma disponibilité et de celle de mes services pour vous aider, même dans l'urgence. Car après le 31 décembre 2003, je ne disposerai d'aucune marge de flexibilité.

Mais parlons d'avenir.

La Commission est engagée depuis l'été dans la phase finale de ses réflexions sur les perspectives financières de l'Union, avec comme corollaire un impact sur les ressources dont vont bénéficier les priorités de la future politique de cohésion.

Nous ne sommes pas encore arrivés tout au bout de cette réflexion. Mais je peux d'ores et déjà dire que nous l'avons abordée du « bon côté », c'est-à-dire en discutant d'abord des priorités, et seulement ensuite des moyens et non l'inverse.

Après avoir longuement débattu avec mes collègues de la Commission, et après avoir dialogué avec les vingt-huit gouvernements nationaux lors du Conseil informel de Rome le 20 octobre dernier, je peux dire que le risque d'une politique de simple charité, renationalisée et limitée aux plus pauvres, ne l'a pas emporté.

Tout en reconnaissant la nécessité de donner une priorité aux régions les plus en retard, peu de voix finalement s'élèvent pour contester le besoin de convergence, de compétitivité et de coopération concernant potentiellement toutes les régions de l'Union.

L'ambition d'une politique de cohésion économique, sociale et territoriale, conforme à l'article 3 du projet de Constitution, pour la prochaine période de programmation, jusqu'en 2011 ou 2013, paraît donc à notre portée.

Mais comme la discussion n'est pas close au sein de la Commission, et qu'elle l'est moins encore entre les Etats membres, je vous livrerai simplement aujourd'hui, de manière préliminaire, les idées qui sont les miennes. Elles s'inscrivent naturellement dans le fil des rapports d'étape sur la cohésion.

Le débat sur l'avenir de la politique de cohésion, que j'anime depuis près de trois ans avec votre participation active, a identifié trois objectifs principaux :

  • objectif de convergence et de compétitivité, pour les Etats et les régions les moins développés de l'Union ;

  • objectif de compétitivité et d'emploi, pour les autres régions de l'Union ;

  • objectif de coopération pour l'ensemble des Etats membres.

Convergence et compétitivité : comment atteindre un taux de croissance pour une convergence réelle et durable pour les régions en développement ? Nous le pouvons grâce à l'économie de la connaissance, au progrès des infrastructures de base et au renforcement de la capacité administrative.

Le seuil d'éligibilité pour ce nouvel objectif 1 sera maintenu à 75 % de la moyenne communautaire du PIB/hab. Je proposerai, à travers un objectif 1 bis, un traitement équitable pour les régions touchées par l'effet statistique. Je recherche enfin un traitement particulier, dans le respect du traité et de son article 299  2, pour celles des RUP qui sortiraient naturellement de l'objectif 1.

Compétitivité régionale et emploi, avec deux volets. Un volet régionalisé, simplifié, sans zonage, centré autour de trois priorités : innovation et nouvelle économie ; environnement et prévention des risques ; accessibilité. Ce volet accueillerait automatiquement les régions sortant de l'objectif 1 à l'issue de leur transition. Et un volet national centré sur la stratégie européenne de l'emploi.

Enfin, la coopération, en s'appuyant sur un INTERREG simplifié et renforcé.

Dans ce cadre général, la nécessité que vos régions fasse l'objet d'une solution particulière, compte tenu de leur spécificité, n'est pas discutable. Il est encore un peu tôt pour dire précisément laquelle, tant que l'architecture générale n'est pas stabilisée.

Mais je constate d'ores et déjà deux choses.

Premier constat : les priorités qui se dessinent correspondent d'assez près à ce que vous avez proposé dans votre mémorandum commun.

Un exemple : l'intégration de la question des frontières externes de l'Union, comme celle des régions dans des espaces géographiques transnationaux, sont particulièrement importants pour les RUP. A Rome, j'ai indiqué mon intention de renforcer l'instrument de coopération, notamment pour mieux financer les réseaux de transport et de télécommunications.

Second constat : la question de l'adaptation des règles générales relatives aux fonds structurels à la spécificité de vos régions se pose. Réfléchir seulement sur des objectifs et des montants ne suffit pas.

Ma conviction personnelle est que l'Union doit vous aider « mieux ».

Comment vous permettre d'utiliser les crédits des fonds structurels pour mieux rayonner dans votre zone régionale ? Comment, par ex., compenser les surcoûts de transport sur les segments qui sont situés hors de l'Union ? Comment mettre les fonds structurels au service de zones de complémentarité économique avec vos voisins ?

Comment améliorer votre accessibilité, non seulement vis-à-vis de vos voisins, mais aussi et surtout ! vis-à-vis du reste de l'Union ? Comment utiliser la politique de cohésion pour prendre en compte et compenser les handicaps structurels, spécifiques, permanents ?

Je réfléchis donc, avec l'ensemble des services de la Commission qui ont tenu à participer à vos ateliers, à l'adaptation de nos règles à vos spécificités, par exemple en ce qui concerne l'éligibilité des dépenses, leur champ territorial, ou encore le lien à faire avec la problématique des aides d'Etat et l'art. 87  3 a) du traité.

Voilà ce que je voulais vous dire, à ce stade, quant aux moyens sur lesquels je compte appuyer la nouvelle stratégie de la Commission pour le développement des RUP.

Permettez-moi à présent de répondre rapidement aux principales préoccupations que vous avez évoquées aujourd'hui ainsi que dans le mémorandum commun du 2 juin dernier, qui concernent plusieurs secteurs.

Agriculture

Les règlements que le Conseil a adoptés en juillet dernier au sujet de la réforme de la politique agricole commune (PAC) reconnaissent explicitement la spécificité de la production agricole des RUP.

Les agriculteurs de vos régions pourront donc poursuivre l'expansion de leurs productions, ce qui me paraît justifié puisqu'elles ne couvrent pas les besoins de la consommation locale. Je sais que c'était un véritable sujet d'inquiétude, et je suis heureux que mon collègue Franz Fischler y ait répondu.

La concrétisation de cette orientation a d'ailleurs été confirmée par l'adoption de mesures spécifiques pour encadrer et soutenir le développement de la production agricole dans vos régions. Les programmes suivront, très bientôt.

Permettez-moi enfin de noter qu'un sujet précis mais difficile, celui de l'encadrement de la production laitière aux Açores, a enfin trouvé une issue convenant à tous. Il faut donner acte à la Commission d'avoir présenté au Conseil la proposition nécessaire dans les meilleurs délais.

Dans un autre domaine important particulièrement pour les Açores comme pour la Réunion, celui du sucre, la communication présentée par la Commission le mois dernier contient, il me semble, toutes les garanties dont les producteurs ultra-périphériques ont besoin. J'y ai veillé personnellement.

La Commission est également consciente des difficultés actuelles et des défis à venir pour le marché de la banane. Je suis disponible vis-à-vis des producteurs pour relayer leurs propositions face à la crise actuelle. Sur le moyen terme, il faut améliorer la commercialisation. C'est la carte « qualité » qui doit être jouée. Elle a déjà produit des résultats dans certaines régions.

Dans le domaine du développement rural, des règlements ont été adoptés très récemment qui devraient rencontrer les besoins des Régions Ultra Périphériques, notamment en ce qui concerne les dénominations d'origine, la qualité des produits, les aides à la constitution de groupements de producteurs et aux mécanismes de commercialisation. Mais il vous appartient désormais de les décliner au travers de plans de développement rural.

Pêche

Là aussi, des résultats récents ont pu être obtenus. En effet, conformément aux conclusions du Conseil pêche de décembre 2002, le Conseil a adopté sur proposition de la Commission un règlement qui établit une exception en faveur des flottes de pêche des RUP, en prévoyant la possibilité de maintenir des aides en faveur de celles-ci.

Je sais que le caractère limité de la période suscite des critiques. Mais franchement, il s'agit là d'une dérogation complète aux principes de la politique commune de la pêche. Ce n'est pas un mauvais résultat.

Je veux aussi évoquer la récente proposition de la Commission, actuellement débattue au Conseil, dans le domaine de la compensation des surcoûts de l'écoulement des produits de la pêche des Régions Ultra Périphériques. Comme vous le savez, la Commission a fait une proposition qui est à durée indéterminée, mais le Conseil oriente ses débats pour fixer un terme à ce régime.

Je voudrais à présent évoquer des secteurs moins traditionnels de l'économie ultra-périphérique, mais qui ne sont pas moins essentiels pour résoudre les problèmes d'accessibilité et de compétitivité soulignés dans les rapports antérieurs de la Commission, les conclusions des Conseils européens et votre récent mémorandum.

Services d'intérêt général, politique des transports, de concurrence, des télécommunications, de recherche, d'emploi et de formation, d'éducation ; dans tous ces domaines des instruments adaptés et complémentaires doivent concourir à améliorer l'accessibilité et accroître la compétitivité.

C'est, je l'ai déjà dit, ma liste de priorités pour l'avenir de la politique de cohésion. Mais nous ne voulons pas attendre l'après-2006.

A ce stade :

  • nous devons disposer d'une grille de critères fiables et communs pour évaluer correctement les surcoûts qui pèsent sur vos économies ;

  • nous ne devons pas hésiter à utiliser l'arsenal du droit communautaire là où les déficits de concurrence ne font qu'aggraver les surcoûts ;

  • nous devons clarifier les règles relatives aux aides d'Etat, sans pour autant remettre en cause le principe du contrôle a priori ;

  • nous devons utiliser tous les instruments de la politique commune des transports en coordination avec l'approche de la concurrence et des fonds structurels pour améliorer les échanges de personnes et les échanges commerciaux entre les RUP et le reste de l'Union, comme entre les RUP et les pays tiers qui les entourent.

Concrètement, cela me conduit à deux réflexions : l'une sur les transports ; l'autre sur les « zones de complémentarité économique » avec les pays ACP que vous avez proposées.

Transports

Dans le domaine des transports, le but reste de créer les conditions d'une véritable concurrence bénéficiant aux habitants et aux producteurs des RUP. Mais nous savons combien cela est difficile. Dès lors, il faut ouvrir le débat sur les aides, sans tabous.

Les aides à caractère social, dès lors qu'elles sont pratiquées sans discrimination entre les transporteurs, permettent non seulement d'accroître le trafic passager, mais l'expérience prouve qu'indirectement elles ont également un effet bénéfique sur le fret.

Les obligations de service public (OSP), assorties de compensation, représentent un processus beaucoup plus lourd. Elles sont cependant possibles pour les RUP, pour le transport aérien comme pour le secteur maritime, aussi bien entre chaque RUP et leur Etat, qu'entre une RUP et un autre Etat, qu'entre deux RUP. Quant à la possibilité de les étendre à des Etats non membres, c'est naturellement plus difficile ; mais la Commission ne laissera pas cette question sans réponse. Nous en parlons avec ma collègue Loyola de Palacio et sa direction générale. En toute hypothèse, je veux vous indiquer que la Commission est prête à autoriser le cofinancement communautaire de ces OSP.

Enfin, les aides d'Etat. Les aides au fonctionnement créent moins de risque de distorsion de concurrence que les aides à l'investissement, dès lors qu'il s'agit bien d'activités exercées dans les RUP et pas seulement vers les RUP.

Toutefois, au printemps, la Commission a fait une ouverture sous certaines conditions au financement d'actifs mobiles, comme je vous l'avais annoncé à La Palma il y a un an. Nous sommes donc ouverts ; mais la contrepartie de cette ouverture est un contrôle rigoureux.

Rigoureux certes, mais pas trop rigoureux : ainsi la Commission travaille à l'extension de la règle de minimis à tous les modes de transport, y compris le transport fluvial (important en Guyane), à l'exception logique du transport routier. Ce serait, très clairement, une simplification importante de l'action de vos collectivités en faveur de petites dessertes.

Zones de complémentarité économique

Deuxième réflexion : je partage pleinement votre objectif de créer des zones de complémentarité économique avec vos voisins, dans le but d'ouvrir mutuellement vos marchés de manière contrôlée.

Cette idée est viable avec les pays ACP, puisque la négociation des accords de partenariat économique (APE) repose sur l'idée de l'ouverture réciproque, à l'exception notable des pays les moins avancés.

L'important maintenant est que vos priorités commerciales soient clairement identifiées et placées sur la « feuille de route » de la Commission dans les négociations de ces accords. Il est en effet nécessaire de respecter le triple cadre de l'ordre juridique communautaire, de l'OMC et de l'accord de Cotonou.

C'est une belle idée que vous avez eue. Ne prenons pas le risque de la fragiliser. Le cadre juridique est assez strict, c'est vrai. Mais il permet en contrepartie de protéger vos régions : ainsi en est-il de la « clause de sauvegarde » de l'accord de Cotonou, applicable en cas de détérioration grave de la situation économique d'une région.

Dans le cadre de l'étude de la Commission initialement lancée sur l'accord « Tout sauf les armes », dans le cadre d'échanges bilatéraux avec vos voisins, il importe de bien discuter et définir quelles sont vos priorités d'échanges.

Mon intention aujourd'hui était à nouveau de vous écouter, et de marquer une fois encore ma disponibilité et celle des services de la Commission à votre égard. Et de préciser certaines des orientations que vous retrouverez dans les propositions de la Commission.

Il s'agit bien de refonder notre contrat commun : combattre les handicaps ; valoriser vos atouts, qui sont aussi ceux de l'Union ; respecter votre identité.

Je vais m'y employer, avec la même conviction et la même détermination que depuis 1999, pour la période courte mais intense avant la fin du mandat de cette Commission.

Je vous remercie pour votre attention.