Toespraak eurocommissaris De Gucht over wederzijdse handelsbelangen (fr)
Débat sur la réciprocité
Conférence de l'Université d'été du MEDEF
Paris, 2 Septembre 2011
Mesdames, Messieurs,
Depuis la création du Marché commun, les pays européens ont eu la sagesse, de réserver la politique commerciale à l'Europe, à l'exclusion des Etats membres. Cette décision fut sage car seule l'Europe est en mesure de peser contre les grandes puissances que sont les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l'Inde, ou la Russie. C'est donc au niveau européen, entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission, que se définit le concept de réciprocité et qu'il est mis en œuvre dans nos relations avec tous les pays du monde.
Dans les quelques minutes qui me sont données, je vais vous esquisser notre approche de la réciprocité en matière de politique commerciale, que je qualifie de réciprocité ouverte et différenciée ou d'ouvertures réciproques différenciées, au pluriel.
L'Union européenne est l’un des espaces commerciaux les plus ouverts au monde. Mais nous sommes ouverts - par intérêt - et non pas par idéologie.
Nous poursuivons un agenda d'ouverture des marchés pour nos entreprises :
tant au niveau mondial dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce et du Round pour le Développement lancé à Doha en 2001,
qu'au niveau bilatéral avec une dizaine de pays avec lesquels nous négocions.
Cette conquête de nouveaux marchés, a fortiori dans des pays émergents à forte croissance, est un puissant moteur du dynamisme de vos entreprises, et donc de la croissance européenne.
Dans les négociations commerciales multilatérales et bilatérales, il va de soi que nous pratiquons la réciprocité : nous n'ouvrons nos marchés que si les autres pays ouvrent leurs marchés. Il s'agit de l'essence même des accords internationaux : ils sont construits sur la base d'engagements réciproques.
Mais il ne s'agit pas d'une réciprocité uniforme mais d'une réciprocité différenciée. Nous tenons compte dans nos négociations du degré de développement économique de nos partenaires. Ainsi, dans les négociations multilatérales, au sein du Round de Doha, l'Union Européenne, les Etats-Unis et les autres pays développés ont accepté que les pays en développement, et en particulier les pays les moins avancés, aient le droit de ne pas donner des engagements d'ouverture au marché comparables à ceux donnés par les pays développés. Il s'agit du droit au traitement spécial et différencié qui existe depuis la création du GATT en 1948.
Comme vous le savez, c'est précisément cette question de l'intensité de réciprocité qui est au cœur de la paralysie des négociations de Doha : en dix ans, des pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil ne sont plus des pays émergents mais ils ont réellement émergé. Ils doivent donc assumer leurs responsabilités et fournir des engagements plus importants mais ils ne sont pas disposés à le faire et veulent continuer d'être traités comme des pays en développement.
Nous sommes ici en présence d'un paradoxe délicat : d'une part ces pays ont connu une croissance forte et soutenue, et leurs économies continuent à croître à un rythme bien supérieur au nôtre. Ainsi, la Chine est dorénavant la deuxième économie mondiale, ou la troisième si on considère l'Union européenne comme une seule économie. L'Inde se rapproche de l'Italie. Mais d'autre part, leur revenu par habitant représente seulement un quart ou moins de notre niveau de vie.
Nous pratiquons la même flexibilité, ou traitement différencié, dans nos négociations bilatérales : la Corée du Sud, par exemple, nous a octroyé des concessions tarifaires équivalentes aux nôtres dans l'Accord de Libre Echange qui vient d'entrer en vigueur au 1er juillet dernier. Mais il est clair que le niveau de concessions tarifaires que nous feront l'Inde ou les pays du MERCOSUR ne sera pas égal au niveau de concessions que l'Union européenne leur fera. Il en va de même dans nos accords commerciaux avec les pays d'Amérique Centrale ou d'Afrique sub-saharienne.
Mesdames, Messieurs,
Si l'Europe ouverte, elle n'est pas naïve. Nous sommes conscients de la nécessité de défendre au mieux les intérêts européens et de veiller à ce que les règles du commerce international soient bien respectées.
En conséquence, l’Union européenne utilise tous les instruments à sa disposition, y compris, les mécanismes de règlements des différends de l’Organisation Mondiale du Commerce, comme nous l’avons fait à l'égard des mesures chinoises ayant pour effet de restreindre leurs exportations de matières premières - une action couronnée de succès en juillet cette année.
Le dernier domaine de la politique commerciale européenne que je souhaite évoquer, est les Marchés publics. Dans ce domaine également, l'Europe est l’un des espaces commerciaux les plus ouverts. Nos Etats membres, au bénéfice indirect de leurs contribuables, peuvent ainsi pleinement faire jouer la concurrence entre les entreprises qui souhaitent leur vendre leurs biens et services.
Mais nous constatons également que nos entreprises connaissent des difficultés pour accéder à certains marchés publics tiers. C'est dans cet esprit de réciprocité ouverte que la Commission a récemment lancé une consultation publique sur la question de l’accès aux marchés publics dans les pays tiers.
Notre objectif est d'atteindre une meilleure symétrie dans l'accès aux marchés publics dans ces pays, notamment en identifiant des mesures qui inciteraient ces partenaires commerciaux à accroître leur ouverture en matière de marchés publics ainsi qu'à démanteler leurs arsenaux protectionnistes.
Mon collègue Michel BARNIER i et moi-même déposerons une proposition législative sur la table de la Commission d'ici à la fin de l'année.
Il est essentiel de souligner que notre proposition s'inscrira dans cette philosophie de réciprocité ouverte et non de fermeture réciproque. En d'autres termes, l'exercice de la réciprocité ne peut pas tomber dans le piège du protectionnisme. Fermer nos portes aux échanges internationaux ne servirait à rien, surtout dans un contexte de crise économique et financière.
Les barrières aux importations vers l’Union européenne sont évidemment préjudiciables aux choix et au pouvoir d’achat des consommateurs européens. Elles nuisent également à la compétitivité de nos entreprises, dans la mesure où les intrants ne sont alors pas disponibles à un prix concurrentiel. C’est crucial car deux tiers des importations européennes de marchandises sont transformées en produits à haute valeur ajoutée vendus par la suite en Europe ou réexportés vers le reste du monde.
Nous ne construirons pas un instrument qui aura pour résultat de fermer davantage les marchés publics européens ou étrangers mais un instrument qui doit avoir, non seulement pour objectif, mais également pour effet de produire une ouverture des marchés publics.
En conclusion, je voudrais vous redire ma conviction que l’Union européenne, ses entreprises, ses citoyens et consommateurs ont tout à gagner d’un monde ouvert au commerce.
L’Union européenne est la première puissance commerciale au monde : ceci signifie que si elle doit montrer l’exemple en matière d’ouverture, elle a aussi les moyens de se montrer ferme sur les respects des règles et l'exigence de réciprocité.
Ce message positif doit permettre à notre opinion publique de voir le commerce international comme un atout favorisant la croissance économique et non comme une menace pour notre prospérité actuelle et future.
Je vous remercie de votre attention.