Speech Barnier voor informele Raad Regionaal Beleid (fr)

vrijdag 27 februari 2004

Monsieur le Président,

Je vous remercie de votre accueil chaleureux et généreux et d'avoir organisé cette réunion informelle des Ministres responsables de la politique régionale.

Nous avons convenu de ce rendez-vous depuis le 14 juillet 2003 avec M. McCreevy. Ce n'est pas le hasard des calendriers présidences du Conseil, mais ma volonté que l'Irlande lance la discussion sur la réforme des politiques structurelles :

  • pour rendre hommage au meilleur de la « classe » et

  • pour montrer à tout responsable que les politiques structurelles de l'Union fonctionnent et apportent des résultats.

Cette réunion va nous permettre d'avancer et de concrétiser plus les propositions de la réforme. Je souhaite que la Présidence néerlandaise y donne suite.

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Mesdames et Messieurs les Ministres,

On arrive aujourd'hui à un moment charnière, presque 'existentiel', de l'évolution de la politique de cohésion.

En quinze années, plusieurs ambitions se sont succédé. Plusieurs buts ont été atteints. Et à chaque étape du projet européen, la politique de cohésion a soutenu ces ambitions. Elle nous a aidé à atteindre ces buts.

Nous avons voulu faire le grand marché unique, et elle nous a aidé à le réussir.

Nous avons ensuite voulu l'union économique et monétaire, et elle a permis au plus grand nombre de l'intégrer.

Nous avons enfin voulu préparer la réunification du continent européen, et celle-ci va enfin devenir réalité, avec l'aide concrète apportée aux futurs membres.

En vérité, cette politique a les buts que nous lui fixons. Elle permet à l'Europe de relever certains défis par elle-même, pour les Européens.

Voilà pourquoi j'ai défendu son existence avec passion, et même avec ténacité. Parce que tant que l'Union européenne aura des ambitions, elle devra avoir une politique de cohésion pour l'aider à les accomplir.

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Mesdames et Messieurs,

Aujourd'hui, trois ans après la présentation du deuxième rapport sur la cohésion et le grand débat public que j'ai voulu mener au nom de la Commission sur le futur de cette politique, je viens vous présenter non seulement le bilan, mais aussi les propositions de la Commission pour reformer et renouveler cette grande politique européenne. Les voici, au nom de mes collègues Anna Diamantopoulou et Franz Fischler.

Ce troisième rapport sur la cohésion économique et sociale veut placer la politique de cohésion au service d'une nouvelle ambition, après 2007.

Cette ambition est celle d'un progrès partagé, dans une Europe réunifiée. Voilà la nouvelle frontière, la nouvelle ligne d'horizon. Donner à la grande Europe les moyens d'une croissance dynamique, riche en emplois, durable dans ses fondements.

Et pour y parvenir, le chemin à suivre est tout tracé : il nous faut poursuivre les objectifs définis en commun, unanimement, dans les agendas de Lisbonne et de Göteborg.

Mon intention n'est pas de décrire ou de commenter ces objectifs. Nous savons ce qu'ils sont. Mais ce que nous savons aussi, c'est que jusqu'à aujourd'hui, ces objectifs ont plus été l'objet de discours que de réalisations concrètes. L'écart s'est creusé entre ce que nous voulons, et ce que nous faisons.

Or, mon expérience au contact de la réalité économique et sociale européenne, sur le terrain, pendant quatre ans et demi, me donne trois convictions quant à ce grand défi de la croissance durable.

Ma première conviction est que ce défi de la croissance durable ne pourra pas être relevé dans une Union écartelée par les disparités et les inégalités. Vous trouverez dans le rapport des chiffres clairs. Le revenu moyen par habitant de l'Union à 25 baissera de 12,5 %. Les disparités économiques et sociales vont doubler. Et ce, au moment où l'Union actuelle voit sa croissance ralentir, et son chômage augmenter en beaucoup d'endroits.

Ma deuxième conviction est que, pour produire de la convergence et de la croissance, la politique de cohésion fonctionne. Par exemple, avec l'aide des fonds structurels, l'Irlande a connu un taux de croissance de 8 % par an. Les taux de croissance de l'Espagne, de la Grèce, du Portugal, ont été supérieurs d'un point à la moyenne de l'Union. Entre 1994 et 1999, la politique de cohésion a bénéficié à 300.000 entreprises, générant un demi-million d'emplois nouveaux.

Naturellement, ces résultats sont la combinaison de plusieurs facteurs. Cette politique européenne 0,43 % du PIB communautaire pour la période actuelle n'a ni les moyens, ni la vocation à remplacer celles des Etats membres, dont les dépenses publiques représentent 47 % du même PIB.

Ma troisième conviction est enfin que, pour relever cet immense défi de la croissance durable, nous aurons besoin de tout le monde. Et donc, nous aurons besoin des régions et de toutes les collectivités territoriales européennes.

Ce sont ces régions, ces territoires, ces villes, qui font des investissements, qui relaient les politiques nationales et européennes, qui appliquent le droit de l'Union. Nous ne devons pas les laisser comme des spectateurs, mais les rendre partenaires du défi de la croissance durable qui est le nôtre.

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Mesdames et Messieurs les ministres,

Nous ne construirons pas l'Europe de nos ambitions, l'Europe que nous voulons pour les Européens, sans nous donner les instruments pour le faire.

La politique de cohésion que je vous propose aujourd'hui aura pour but, partout en Europe, de favoriser la croissance durable en concentrant ses efforts sur l'innovation et la société de l'information ; l'environnement et la prévention des risques ; l'accessibilité et les services d'intérêt économique général ; et naturellement l'emploi, la formation.

Pour cela, la politique de cohésion aura trois priorités.

    Première priorité, qui mobilisera environ 78 % de l'enveloppe globale : soutenir la convergence des Etats et des régions les moins développés. Comme aujourd'hui, cela concernera les régions de l'Union dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Comme aujourd'hui, conformément au traité, le fonds de cohésion ira aux Etats dont le PNB est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire.

Mais parce qu'une petite vingtaine de régions aurait continué à bénéficier de cette priorité, si l'évaluation statistique à 25 de leur développement n'avait pas artificiellement bondi, nous proposons pour elles un traitement financier préférentiel et temporaire. C'est une solution qui me paraît équitable.

    Pour ces régions, mon collègue Mario Monti et moi-même avons également proposé une solution équitable pour les aides d'Etat, qui reconnaît le caractère temporaire de leur situation, mais leur permet des taux d'aides généreux.

      Deuxième priorité, qui mobilisera 18 % environ de l'enveloppe globale : la compétitivité régionale et l'emploi et qui concernera tous les autres territoires de l'Union, toutes les autres régions.

 Il s'agit de combiner deux efforts, deux méthodes.

 Un effort ciblé, dans les régions, sur les thèmes-clés de la croissance durable.

    Un effort national, centré sur l'emploi, et plus spécifiquement la création d'emplois, l'adaptabilité des travailleurs, et l'accès au marché du travail des personnes les plus vulnérables.

    Il y a une différence entre cette priorité et la précédente. La priorité 'convergence' est faite pour qu'on en sorte. Et c'est une bonne nouvelle d'en sortir ; parce que cela veut dire que l'on a réussi à rattraper une bonne partie de son retard. Ce sera d'ailleurs le cas d'une douzaine de régions en 2007 qui sortiront naturellement de l'Objectif 1 parce qu'elles ont réussi ! Toutefois, pour ne pas casser leur dynamique, j'ai prévu pour elles un accès plus favorable à cette deuxième priorité, celle de la compétitivité régionale.

      Enfin, troisième et dernière priorité : la coopération territoriale européenne. L'expérience des instruments INTERREG mérite vraiment d'être prolongée, amplifiée et simplifiée, avec environ 4% de l'enveloppe globale. La Commission a d'ailleurs l'intention de proposer pour cela un nouvel instrument juridique, sous la forme d'une autorité régionale transfrontalière.

Voilà les trois priorités. Elles me paraissent cohérentes les unes avec les autres. Un levier puissant, mais temporaire, qui permet de converger. Un deuxième beaucoup plus ciblé, mais à vocation permanente, qui met le développement régional sur des rails durables. Un troisième levier, qui soulève les frontières et crée les synergies.

Ce système, cependant, doit également être capable de regarder la réalité des territoires, au-delà des chiffres bruts du développement. C'est tout l'enjeu de la cohésion territoriale, pour laquelle je me suis battu dans l'adoption du projet de Constitution européenne.

Voilà pourquoi nous proposons qu'un volet d'URBAN + soit repris dans le cadre général des fonds structurels, pour y être démultiplié. Avec plus de sites que les 70 villes actuellement bénéficiaires, plus d'argent, et plus de responsabilités pour les villes.

Voilà pourquoi également nous recommandons notamment, un taux de cofinancement plus élevé pour les territoires à handicap permanent les territoires à faible densité de population (par exemple au Nord de la Finlande et de la Suède), les îles, les montagnes. Dans ces territoires où, structurellement, il est plus difficile qu'ailleurs de se développer.

Voilà enfin pourquoi, comme le traité nous y oblige d'ailleurs, il faut que les sept régions ultrapériphériques soient accompagnées, à la fois dans la compensation de leurs handicaps spécifiques, et dans la dimension internationale de leur développement donnant d'ailleurs une chance à l'Union d'entreprendre, en complément de notre politique de voisinage, une action de « grand voisinage » dans d'autres régions du monde.

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Mesdames et Messieurs les ministres,

L'on nous dit que cette politique n'est pas assez concentrée. Bien au contraire, la proposition de réforme de la politique de cohésion que la Commission vient d'adopter renforce davantage la concentration financière, géographique et thématique de cette politique :

En termes financiers et geographiques, presque 80% de l'enveloppe globale est concentrée sur un tiers de la population de l'Union à 27. La première priorité de la nouvelle politique de cohésion demeure la convergence et la compétitivité ;

Du point de vous thématique, la nouvelle politique sera encore plus exigeante qu'aujourd'hui : dans l'objectif convergence comme dans l'objectif compétitivité, la politique de cohésion devra davantage être en symbiose avec les priorités de Lisbonne et Göteborg. En dehors de l'objectif convergence, seuls les thèmes liés à cette stratégie seront éligibles.

  • Au niveau national, le FSE soutiendra les priorités de la stratégie européenne pour l'emploi avec la possibilité d'une régionalisation de la programmation. La concentration porte sur trois priorités : adaptabilité des travailleurs ; davantage d'emploi ; accessibilité au marché du travail des personnes vulnérables.

  • Au niveau régional, le FEDER soutiendra l'effort de compétitivité avec une concentration sur trois priorités : innovation et économie de la connaissance ; accessibilité ; environnement et prévention des risques.

Les propositions figurant dans le 3ème rapport sur la cohésion économique et sociale détaillent davantage les secteurs et mesures éligibles. Ce travail se poursuivra, en prenant en compte les règles de la politique de concurrence.

On nous a dit parfois que cette politique était archaïque, dépassée. On se trompait ; cette politique sera entièrement au service de la croissance, de l'emploi, de la performance. Cette solidarité active, positive est et restera une « idée neuve ».

L'on nous a dit que cette politique était compliquée, bureaucratique : elle sera concentrée dans ses objectifs, décentralisée dans sa gestion, avec trois instruments financiers au lieu de six, et il n'y aura plus de micro zonage décidé depuis Bruxelles. J'y reviendrai cet après-midi.

L'on nous a dit que cette politique était irréalisable financièrement : elle représentera en crédits d'engagement 0,46 % du PIB communautaire dans un budget maintenu sous le plafond des ressources propres, tout en bénéficiant à tous les territoires de l'Union.

0,46 % du RNB de l'Union à 27, un chiffre qui tient compte des crédits du développement rural, aujourd'hui gérés au titre de la cohésion mais demain, par souci de simplification, remis au sein de la PAC.

Oui, la politique de cohésion sera tout cela, mais à une condition : que chacun au niveau communautaire, national et régional soit capable de prendre sa responsabilités. C'est-à-dire de mesurer les défis qui sont devant nous, et d'accepter d'en payer le prix somme toute raisonnable.

Car il y a une chose que la politique que je vous propose d'adopter ne sera pas, c'est la compétitivité pour quelques-uns et la charité pour tous les autres.

A l'étape de la réflexion doit maintenant succéder l'étape de conviction, ici, dans les capitales et les régions. J'espère, pour ma part, avoir démontré ma conviction, et m'être montré digne des vôtres.

Je vous remercie.