[autom.vertaling] Romano Prodi: "La mémoire et l'honneur" (Fondation Jean Monnet) gieten l'EuropeLausanne, le 24 octobre 2003 (en)

vrijdag 24 oktober 2003

Cérémonie Fondation Jean Monnet pour l'Europe, Lausanne, le 24 octobre 2003

Monsieur le Président de la Confédération,

Monsieur le Président du Conseil d'Etat du Canton de Vaud,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Monsieur le Syndic de Lausanne,

Monsieur le Président de la Fondation Jean Monnet, Cher Professeur Rieben,

Mesdames et Messieurs,

La cérémonie à laquelle vous me faites l'honneur de participer est un grand moment pour la Suisse, pour l'Union européenne et pour la Fondation Jean Monnet.

C'est un grand moment pour la Suisse parce que--permettez-moi, Monsieur le Président de la Confédération, de le dire en toute simplicité--elle symbolise l'essentiel de ce qui lie la Suisse à l'Union européenne.

Je m'en voudrais de ne pas citer dans ce contexte la « proximité du citoyen », notion si chère à Jean Monnet et élément combien important dans le développement de l'Union européenne et dont la Suisse est un rappel permanent.

C'est aussi un grand moment pour l'Union européenne car qui mieux que Jean Monnet incarne tout ce qui unit, à travers tant de siècles d'histoire, les Européens.

C'est enfin et surtout un grand moment, je dirais même un très grand moment pour la Fondation Jean Monnet et pour son Président le Professeur Henri Rieben.

Lorsque Paul Valéry a écrit que « dans les sociétés sans honneur la mémoire est dérangeante », je pense qu'il avait fondamentalement raison.

Tant la négociation sur l'élargissement de l'Union--la présence parmi nous des Ambassadeurs de pays qui vont rejoindre l'Union me réjouit particulièrement dans ce contexte--que les travaux de la Convention ont démontré combien les valeurs auxquelles les pays fondateurs sont tellement attachés sont toujours d'actualité.

Jean Monnet dont le Professeur Rieben fut un des premiers proches collaborateurs a été avec des personnalités comme Schuman, Adenauer, de Gasperi, Spaak, Spinelli et d'autres un des pionniers de ce qui a conduit à l'Union européenne telle que nous la connaissons aujourd'hui.

La cérémonie de ce jour à laquelle le Professeur Rieben avait raison de tenir énormément, constituera--je l'espère profondément--à la fois une étape importante dans la reconnaissance au plan européen, national, cantonal et local, du rôle de la Fondation Jean Monnet--rôle qui dépasse, cela va de soi, la conservation des archives du père de l'Europe--et un rappel aux futurs membres de l'Union de l'importance des valeurs qui ont conduit à sa création et à son développement.

Les deux réalisations qui représentent le principal héritage de la Commission que j'ai l'honneur de présider, à savoir, en premier lieu l'élargissement et en second lieu, la Constitution européenne sont désormais à portée de main :

  • le 1er mai 2004, notre Union comportera officiellement environ 75 millions de nouveaux citoyens qui participeront aux élections du Parlement européen du 10 au 13 juin ;

  • le chantier de notre première constitution est déjà ouvert depuis un certain temps et la Conférence intergouvernementale en traite depuis trois semaines.

Dans une phase de profonde transformation comme celle-ci, il est important de se référer à la vision des pères fondateurs de l'Europe unie.

Avec l'élargissement, l'histoire a donné raison aux intuitions politiques de cette génération d'hommes d'état parce que, à un demi-siècle de distance, elle témoigne de l'extraordinaire pouvoir d'attraction de leurs idéaux de paix, de démocratie et de solidarité envers tous les pays voisins.

Surtout, n'oublions pas que le 1er mai 2004 dix nouveaux pays entreront dans nos institutions. La nature absolument unique de ces institutions et les résultats acquis sont la part la plus originale, même le fait nouveau unique, dans la géopolitique du monde contemporain.

Nos institutions actuelles étaient déjà présentes comme une semence dans le dessein politique de Jean Monnet. Aujourd'hui, nous parlons souvent de la « méthode Monnet » mais peu ont une idée claire de ses détails.

Il n'y a pas de meilleur lieu pour en rappeler les points essentiels :

  • Faire ressortir l'intérêt commun : « il faut faire travailler les hommes ensemble. Les asseoir à une même table pour parler du même problème. Leur montrer qu'au-delà de leurs divergences ou par-dessus les frontières, ils ont un intérêt commun ».

  • Créer une solidarité de fait : « l'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble; elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait ».

  • Fonder la paix sur l'égalité : « il n'y a pas de paix durable lorsqu'elle est fondée sur la discrimination ».

  • Unir les hommes : « on ne peut changer la nature des hommes. Mais en modifiant le contexte dans lequel ils agissent, en leur donnant les mêmes règles, les mêmes institutions démocratiques, on peut les amener à se comporter différemment les uns vis-à-vis des autres. Dans la Communauté les Européens apprennent ainsi à vivre ensemble comme un même peuple. Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes ».

Ces idées, extraites des écrits de Monnet, sont d'une extraordinaire actualité. Je suis frappé par leur simplicité, la clarté des intentions et leur caractère concret. Ce qui me frappe surtout, c'est leur caractère courageux. Il n'était pas facile à l'issue de la deuxième guerre mondiale de parler ainsi de paix, d'intérêt commun et d'union des peuples.

Certes pour nous aujourd'hui, il est facile d'envisager un futur dans lequel nous serons tous européens parlant les diverses langues nationales. Mais nous avons cinquante années de succès derrière nous. A cette époque là, des sentiments de cette nature étaient l'oeuvre d'un génie.

Il est de notre devoir de reprendre ces pensées et surtout ce courage et de les porter dans le présent. Quelques centaines de kilomètres nous séparent de la ville où la Conférence intergouvernementale discute la forme que prendra notre première vraie Constitution.

Nous savons les problèmes qui sont sur la table : nombre de membres du Parlement, pondération des voix au Conseil, procédure de modification, nombre de commissaires. Il s'agit de thèmes importants qui auront des conséquences de poids sur la vie de millions de citoyens européens pour de nombreuses années.

Sauf erreur les éléments de la méthode Monnet suivent tous la même idée. Préparer le futur est précisement la question fondamentale que la Commission a soumise à la Conférence intergouvernementale : lever les yeux au-dessus des problèmes du présent pour projeter le futur, comme il nous l'a enseigné.

La promotion de l'intérêt commun, de la solidarité et de l'union entre les peuples sont les tâches confiées à la Commission par les traités et par notre histoire.

Je vous remercie.